Clonage : Éléments de débat et de réflexion
3. Le recours aux cellules souches embryonnaires
Type : Dossier
Thème : Questions de Société
Source : Construire Ensemble
Réf./Date source : 03-2002
Publié sur Lueur le
- Clonage : Éléments de débat et de réflexion
- Le clonage à des fins reproductives
- Le recours aux cellules souches embryonnaires
- Le don d'ovocyte
- Le clonage : conclusions
Même à des fins strictement thérapeutiques, l'utilisation de cellules souches embryonnaires pose un problème moral puisque leur prélèvement implique la destruction immédiate de l'embryon dans lequel elles ont été prélevées. Pour l'essentiel, ces cellules peuvent provenir soit d'embryons surnuméraires issus de protocoles d'assistance médicale à la procréation (AMP) mais ne faisant plus l'objet d'un projet parental, soit d'embryons obtenus par clonage.
La question de départ est pourtant simple : peut-on mettre fin au développement d'un embryon (créé par fécondation assistée ou par clonage) dans le seul but d'entreprendre des recherches en vue de l'éventuelle mise au point d'un traitement thérapeutique ? La difficulté de la réponse tient d'abord à la difficulté de définir la vie. Elle tient ensuite, et probablement davantage, à la difficulté d'apprécier à sa juste valeur morale les interventions humaines destinées à protéger la création dès lors que celle-ci peut sembler, par ces interventions, menacée dans son intégrité et sa dignité.
Dans le premier cas (embryon surnuméraire issu d'une AMP), sa destruction peut être considérée comme équivalente à une interruption volontaire de grossesse (IVG) mais que l'on ne saurait justifier par les raisons habituellement invoquées dans ce cas : risque pour la mère et l'enfant, détresse morale et psychologique de la mère, etc. Le seul argument qui pourrait être avancé consisterait à dire que l'on met fin à une vie humaine potentielle pour en sauver une autre en cours d'existence. Aporie à laquelle l'éthique n'est que trop habituée et qui la contraint souvent à ne pouvoir formuler qu'une réponse indécise et hésitante. Il faut reconnaître que l'argument invoqué ci-dessus peut ne pas convaincre et s'avérer insuffisant aux yeux de certains pour justifier la destruction volontaire d'un embryon.
Il y a là un réel dilemme éthique que la Fédération protestante de France souhaite soumettre au débat public avant de pouvoir transmettre au législateur une opinion plus précise sur la question : peut-on autoriser le recours aux embryons déjà existants et ne faisant plus l'objet d'un projet parental dans le but de les utiliser pour la recherche médicale ou à des fins thérapeutiques ? Autre question annexe : faut-il proscrire toute implantation d'un embryon ayant fait l'objet de recherches comme le propose la Mission parlementaire sur la révision des lois de bioéthique?
Le recours aux cellules souches embryonnaires à des fins thérapeutiques comme le clonage à des fins thérapeutiques repose la question de la nature et du statut de l'embryon.
Dans le cas du clonage thérapeutique, peut-on réellement parler d'embryon au sens propre du terme ? Pour certains chercheurs, le produit d'un clonage ne peut être véritablement qualifié d'embryon dans la mesure où il n'y a eu ni fécondation (sexuée), ni implantation. On devrait plutôt parler de cellules souches embryonnaires ou, tout au plus, de "pré-embryon", voire de "pseudo-embryon". Pour d'autres, cette querelle sémantique ne saurait cacher le fait que l'on est bien, biologiquement parlant, en présence d'un embryon puisque celui-ci, s'il venait à être implanté, aboutirait à la naissance d'un être humain ; et cela quel que soit le statut éthique que l'on confère à l'embryon.
Dire que la vie commence avec la fécondation fait l'objet d'autres débats. Pour certains, le fait que l'on puisse créer de la vie sans passer par l'acte de fécondation montre qu'il faut dissocier les deux concepts. Les spermatozoïdes et les ovocytes sont porteurs de vie avant même la fécondation : leur union ne crée pas la vie, elle la continue en la prolongeant dans le temps. La fécondation n'est pas l'acte créateur de la vie, celle-ci étant en quelque sorte éternelle. Ce que traduit à sa façon la notion biblique de vie éternelle, fruit de l'Esprit qui nous incite à mettre le temps dont nous disposons au service de tous (Ga 6.10), et donc de toutes les générations à venir. Pour d'autres au contraire, la fécondation, suivie ou non d'une implantation, reste l'événement décisif créateur de vie que nul n'a le droit d'interrompre.
Certaines consciences pourraient être sincèrement choquées par la destruction d'un embryon (ou préembryon, peu importe), aussi noble en soit la raison. D'autres seront plus attentifs à la portée morale de l'ensemble du processus thérapeutique permettant de sauver une vie humaine, la nôtre ou celle d'autrui. Du point de vue de la création, la destruction de l'embryon n'est pas forcément synonyme de mort, bien au contraire : quelques unes de ses cellules redonneront vie à un être dont la santé l'abandonne, d'autres cellules mourront effectivement, mais selon un phénomène plus naturel qu'il n'y parait. La destruction (d'une partie) de l'embryon peut en effet être assimilée au phénomène d'apoptose, c'est à dire l'autodestruction de certaines cellules par leur propre programme génétique, permettant ainsi à d'autres cellules embryonnaires de se développer. Ce phénomène joue un rôle important en embryologie. Le vieillissement naturel n'est pas la seule cause de mort cellulaire : le développement d'un embryon exige que certaines de ses cellules meurent pour permettre à d'autres de vivre.
C'est à partir de ces quelques données - certes trop succinctes mais qui ne demandent qu'à être complétées - que la Fédération protestante de France souhaite soumettre au débat public cette autre question du recours aux cellules-souches embryonnaires issues du clonage peut-on légitimer une telle pratique à des fins thérapeutiques ? À quelles conditions et dans quels cas ?
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