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la conviction et le dialogue

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Type : Réflexion
Thème : Témoigner
Source : Construire Ensemble   
Publié sur Lueur le
Lorsque l'on dit d'une personne qu'elle est un homme ou une femme de conviction, ou de telle autre un homme ou une femme de dialogue, cette manière de les qualifier fait apparaître leurs positions comme très différentes, voire opposées l'une à l'autre. Un tel clivage est particulièrement sensible dans les Eglises où conviction et dialogue sont deux notions qui ne fonctionnement pas très bien ensemble.

Le dialogue ou la conviction ?

Un « homme de conviction », on dira parfois de « fortes convictions » est fréquemment quelqu'un qui sait les affirmer et qui cherche à convaincre. Il a souvent beaucoup de mal à écouter les autres. Il ne le fait alors que comme un lutteur attentif à l'attaque pour mieux riposter. Pour quelqu'un de convaincu, la pensée est un combat et s'il est croyant, souvent une croisade.

Dans une perspective semblable, un « homme de dialogue » peut être perçu comme quelqu'un qui est toujours prêt à remettre en cause ses convictions, un indécis, suspect de tous les compromis possibles. Il ne sait pas où sont les frontières, il a du mal à distinguer le bien du mal, le vrai du faux. Etre, comme il l'est, prêt à parler avec ceux qui sont dans l'erreur montre bien qu'il n'est pas assez solidement fondé sur la vérité.

À peine exagérés, ces jugements s'entendent fréquemment ou du moins se devinent. Ils peuvent être extrêmement dangereux et me semblent reposer sur une mauvaise compréhension et de la conviction et du dialogue.

Le dialogue nécessaire ou la vérité de la conviction

La conviction est une nécessité ; elle n'est pas une vertu. On a besoin de convictions pour fonder son existence, pour orienter sa vie, pour traverser certaines difficultés sans faire immédiatement demi tour. Et dans ce sens, la foi est une conviction fondée en Dieu. Mais on peut tout aussi bien être convaincu des pires opinions. Toutes les positions dans tous les domaines doivent avoir un contingent semblable de personnes aux fortes convictions.

Il est donc nécessaire de fonder sa conviction.

Nos convictions sont les opinions que nous tenons pour vraies. Mais nous savons également que la Vérité est au dessus de nos convictions. En théologie, nous savons que la Vérité de Dieu, et même celle de sa Parole, demeurent toujours au delà de ce que nous pouvons en dire. Nous pouvons toujours nous tromper et progresser vers une plus juste compréhension. C'est pourquoi, dans le protestantisme, l'Eglise doit toujours pouvoir être réformée selon la Parole de Dieu.

N'avez vous pas remarqué que souvent ce sont ceux qui ont besoin de se convaincre eux mêmes, ceux qui se sentent fragiles et qui ont peur de cette fragilité qui sont les plus occupés à convaincre les autres ? Une vraie conviction est toujours une opinion qui, sur le marché des idées, est à côté de beaucoup d'autres. Qui veut « se faire une conviction » doit donc examiner avec attention les éléments du problème et écouter les arguments qui ont pu mener d'autres vers d'autres convictions. Le refus de l'écoute des autres est donc extrêmement dangereux car c'est un refus de voir en face les arguments qui ont été assez forts pour convaincre d'autres personnes.

Si quelqu'un a, sur les idées qui sont les vôtres, des opinions négatives fermement arrêtées, vous discernez sans peine que sur bien des points, il vous paraît mal informé, se fonder sur des idées dépassées ou déformer lui même la vérité. Ainsi, dans le refus de tout dialogue entre des Eglises différentes, il y a beaucoup d'idées fausses auxquelles on a peur de toucher. Pourtant, au cours des siècles les positions et les situations ont évolué. Nous mêmes en quelques années, nous évoluons bien.

Une conviction saine doit donc être capable de se « frotter » à d'autres convictions, simplement pour être authentique, profonde, fructueuse et viable à long terme.

La vérité dans l'amour

Il y a, pour les chrétiens, un argument plus fort encore que celui de l'intelligence. Il concerne la manière de vivre que Jésus nous a enseignée. Nul ne doute que l'amour du prochain est au coeur de la vie chrétienne et que cet amour du prochain trouve la plénitude de son sens dans l'amour de l'ennemi. Celui ci est au moins quelqu'un d'une autre conviction...

Un des premiers pas sur ce chemin de l'amour est résumé ainsi : tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, vous aussi faites le de même pour eux (Matthieu 7.12). Cette approche du « regard inversé » me semble très parlante en de nombreux domaines. Imaginons quelqu'un qui a des convictions fortement affirmées et contraires aux vôtres. Il parle avec autorité et n'écoute pas ce qui peut lui être opposé. Son but n'est certes pas de dialoguer mais de vous aider à comprendre la (sa) vérité. Ne croyez vous pas qu'au lieu d'écouter paisiblement ses arguments, vous vous sentirez simplement agressés par une telle attitude ?

Le minimum de l'amour, c'est le respect de l'autre. Celui ci peut avoir des convictions aussi fortes que les vôtres. Elles sont également au centre de sa vie et il leur accorde la même importance que vous accordez à vos convictions les plus chères. Ne sommes nous pas appelés à respecter ses convictions ? Cela ne veut nullement dire être d'accord, mais simplement écouter l'autre comme nous aimerions qu'il nous écoute. Nous sommes si susceptibles dans ce domaine quand il s'agit de nous et souvent si aveugles quand il s'agit des autres.

Le dialogue, c'est à dire la capacité de reconnaître et d'accueillir l'autre pour ce qu'il est, n'est donc pas l'attitude possible de quelques uns mais la mise en oeuvre de l'amour que Dieu nous demande à l'égard même de nos ennemis.

La force d'un témoignage vrai

Certains chrétiens opposeront volontiers dialogue et témoignage ou évangélisation. Comme si la forte conviction née de la foi ne pouvait que se manifester sous la forme d'une volonté de convertir, de convaincre, d'amener les autres à notre vérité. N'oublions pas que, souvent, celui à qui nous parlons, à qui nous voulons témoigner de notre foi a, lui aussi, des convictions et peut être une foi qui tient dans sa vie la place que ma foi tient dans la mienne.

Essayons de nouveau de nous mettre à la place de l'autre afin de nous comporter à son égard comme nous souhaiterions qu'il le fît au nôtre.

Lorsque des gens frappent à votre porte et veulent vous parler de leur foi, ne vous est il pas arrivé de vous apercevoir très rapidement qu'ils n'ont aucun intérêt pour ce que vous pouvez penser ou croire. Ils ne veulent que vous « vendre leur marchandise ». S'ils s'aperçoivent que vous avez des idées assez précises, ils abandonnent le terrain et vont chercher pour les remplacer quelqu'un de plus compétent, de mieux formé pour les joutes oratoires. Quelle a été votre réaction ? N'avez-vous pas pensé que leur attitude disqualifiait les idées qu'ils défendaient, que leur méthode même ainsi que leur manière de la communiquer jetaient une ombre sur le contenu et l'authenticité de leur foi ? Si nous attaquons notre prochain bille en tête pour lui apporter la lumière, pourquoi aurait il une autre attitude que la nôtre ? Pourquoi serait il ouvert à un discours dont il perçoit bien l'agressivité derrière le sourire de façade ? Comment accorderait-il crédit à cet « amour » qui se préoccupe moins de la personne réelle que du futur converti potentiel ?

Le témoignage est toujours une rencontre et doit être un acte d'amour. Si nous aimons celui que nous avons en face de nous, alors nous allons nous intéresser à ce qu'il est, à ce qu'il croit. Et s'il est animé d'une autre foi que la mienne il sera important d'écouter avec attention et amour le témoignage de sa foi ou de ses convictions. Ce n'est qu'ensuite, lorsqu'il aura eu le sentiment d'être écouté en vérité, que notre interlocuteur deviendra peut être capable d'écouter notre témoignage, d'entendre ce qui nous fait vivre. N'oublions jamais que dans toute rencontre, Dieu est présent. A travers notre témoignage ou nos paroles, si quelqu'un est touché en profondeur, ce ne peut être que l'oeuvre de l'Esprit. Nous pouvons peut être prouver, avancer de meilleurs arguments que notre interlocuteur, mais ce ne sont que des paroles et l'on sait bien que les meilleurs avocats peuvent défendre n'importe quelle thèse...

Toute rencontre vraie se fait donc « au risque de Dieu ». Je m'expose en écoutant vraiment, mais dans la confiance en Dieu. Peut être serai je amené à modifier mes convictions, mais aussi peut être Dieu pourra t il utiliser mon amour et mon témoignage pour parler à un autre, et que demander de plus ?

Conviction et dialogue

Ainsi le dialogue, qui est toujours devant l'invisible présent, est il le seul chemin pour forger des convictions profondes. Ces convictions seront comme une structure intérieure qui nous construit mais qui peut être sans cesse réformée, modifiée. Elle est le contraire de l'armure qui donne une illusion de solidité et de protection mais qui emprisonne, et ne sert en définitive qu'au combat. Le dialogue affine et précise nos propres convictions; il nous aide également à discerner ce qui, dans ce que nous croyons, est essentiel et ce qui relève d'une culture particulière respectable, mais relative. Il nous enrichit de la part des convictions de l'autre que nous pouvons recevoir avec reconnaissance. Et même si nos convictions nous obligent un jour à entrer en conflit, nous pourrons demeurer respectueux de l'adversaire et sincèrement désireux de son bien. Finalement, il n'y a de vrai dialogue qu'entre personnes de convictions et il n'y a de conviction authentique que forgée au feu de la rencontre des autres.

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