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Dieu et la pub

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Type : Réflexion
Thème : Non classés
Source : Construire Ensemble
Réf./Date source : 70  
Publié sur Lueur le
Nous vous proposons un court résumé d'un exposé destiné à montrer comment la publicité puise largement dans les symboles religieux.

Voici, quelques exemples montrant l'extrême diversité des symboles religieux utilisés.

D'abord des images évoquant une aspiration vers une spiritualité vague et diffuse

Pour faire vendre, on fera appel à des valeurs qui sont de l'ordre de l'existence, du non-vendable, des valeurs de la vie : "soif d'idéal", "faim d'essentiel", aspiration à la "vraie vie", "faim de gestes gratuits" (sic)… Tout cela - qui fait un peu New Age - se trouve évoqué par des images qui mettent en scène les grands archétypes classiques, l'eau, le feu, l'air, la terre :tantôt des personnages bras levés vers le ciel, contemplant l'océan ; tantôt des figures de prêtresse ; tantôt des moines tibétains en méditation ; ou encore des compositions évoquant la Piéta, telle que l'a représentée Michel-Ange.

Mais, plus encore, l'emploi de thèmes bibliques

La main créatrice de Dieu

Telle que Michel-Ange l'a représentée au plafond de la Chapelle Sixtine lorsque Dieu donne à l'homme le souffle de vie. Cette main trouve dans la publicité de multiples emplois : de façon inattendue, image de la solidarité sur une affiche du parti communiste ; mais surtout images de création… pour vanter un produit, par exemple une marque de café ; ou la production d'électricité ; la main de Dieu touche alors, non plus la main d'Adam, mais une ampoule électrique, avec comme texte : "Dieu dit "Que la lumière soit" et la lumière fut".

Adam et Eve

Que d'usages de cette image ! Elle évoquera la tentation, l'aspiration à se dépasser, le franchissement des interdits, la volonté d'auto-divinisation de l'homme. Nous serons rarement dans l'idée de chute ou de péché, mais en plus dans l'idée de dépassement de soi-même et de franchissement des limites, dans l'exploration d'espaces inconnus. Ainsi dans plusieurs publicités pour l'informatique grâce à laquelle chacun de nous peut aborder des domaines qui lui sont inconnus. Tel moteur de recherches, par exemple, va nous permettre d'accéder à la connaissance universelle : c'est le mythe de la toute-puissance de l'homme.

"Soyez féconds et multipliez" Genèse 1, 22

Il vous faut donc… une monospace pour transporter votre famille.

Moïse

Bien sûr, dont l'image est souvent exploitée, avec l'allusion aux "dix commandements". On ira jusqu'à nous inviter à imaginer un onzième commandement, celui de nous réjouir devant… une belle côtelette. Ou encore, par inversion des termes, on nous parlera… des "Lois de la Tables", invitation à acheter le dernier cri de l'élégance dans l'art de recevoir.

L'utilisation de versets bibliques et de textes liturgiques

"Au commencement était la Parole" Jean 1, 1

Publicité en trois tableaux. De quelle parole pensez-vous qu'il s'agisse ? De la parole que s'échangent les époux le jour de leur mariage : premier tableau. La suite va de soi. Deuxième tableau : le couple a des triplés. Troisième tableau : il vous faudra donc… une Open 130 familiale.

"Donne-nous notre pain quotidien"

Les utilisations de ce verset sont multiples : publicité pour des biscuits et autres aliments ; publicité pour du massepain Suchard fractionné comme le pain rompu ; publicité pour du beurre… qu'on étale sur le pain quotidien…

"Délivre-nous du mal"

qui devient "protégez-vous du mal", pour vanter la sécurité d'un pneu Firestone. On utilisera même des termes comme Amen ! ou Alléluia !

Les thèmes du péché et du pardon


On bâtira par exemple un pseudo-dialogue de confessionnal ; où le "pécheur" s'accusera de petites fautes de conduite en voiture : "chaque jour je transgresse un peu la loi" ; tout cela pour avouer finalement que l'incitation à la faute provient d'une superbe voiture Honda. Ou bien, dans une longue confession, un époux demandera pardon pour avoir trop regardé le foot à la télé ; pour se faire pardonner, il offrira à son épouse un voyage à Bruxelles par le Thalys.
Ou encore, en Italie, on nous dira, dans un ordre inattendu : "convertis-toi, repens-toi et pèche !" Et quel est ce péché ? celui d'acheter, fort cher, un canapé confortable. Péché bien anodin.

Les sacrements

Le Baptême

Une publicité utilisera une image du Baptême, avec un officiant versant quelques gouttes sur la tête d'un enfant : "quelques gouttes et le cri est grand !". Sans lien logique apparent, cela nous conduit à un nouveau modèle de voiture.

L'hostie

Ou encore, une image nous montrera une galette rompue en deux, comme une hostie. C'est une publicité pour les Galettes Saint-Sauveur, dont le centre porte en creux le dessin d'une croix (comme les hosties dans la tradition ancienne) ; marque commerciale dont le nom, en plus, évoque une référence religieuse.

La Cène de Léonard de Vinci

Les publicitaires n'ont pas manqué d'utiliser ce tableau connu de tous. En 1996 par exemple, Volkswagen a voulu l'utiliser, en modifiant les personnages, comme publicité pour l'arrivée de la nouvelle Golf. Cette publicité a dû être retirée à la demande de l'épiscopat français.

Plus récemment, un groupe de publicitaires a utilisé ce tableau pour faire la publicité pour leurs propres agences. On y a remplacé Jésus par Mickey, les apôtres par des personnages hollywoodiens (Charlie Chaplin et autres grandes figures du cinéma) ; tous les grands logos des grandes marques sont sur la table ; en dessous, comme dans ces fresques médiévales où les artistes se peignent dans le bas, on voit toute l'équipe de ses créatifs qui faisant de la publicité pour eux-mêmes, se sont représentés au bas de l'image.

Le message publicitaire

Ce ne sont que quelques exemples. Que peut-on en retenir ? D'abord que le lien logique entre le motif publicitaire et l'objet (ou le service) à vendre est, dans la plupart des cas, extrêmement tenu. Il ne paraît absolument pas nécessaire, aujourd'hui, de représenter l'objet à vendre. Ce qu'il faut, c'est accrocher, retenir l'attention. Pour cela, le message publicitaire va faire appel à notre culture ou à notre inconscient, en jouant sur plusieurs niveaux.

Le niveau artistique d'abord, non seulement en recherchant une qualité esthétique dans le dessin publicitaire (c'est cependant loin d'être toujours le cas), mais plus encore en faisant référence à des oeuvres célèbres : la Cène de Léonard de Vinci, la Piéta de Michel-Ange, le plafond de la Chapelle Sixtine… On pourrait multiplier les exemples.

Deuxième niveau : la publicité fait appel à notre mémoire historique, culturelle et religieuse ; elle charrie tout ce qui nous reste de mémoire de notre passé.

Autre niveau : les grands archétypes classiques, l'eau, le feu, l'aire, la terre et aussi les grands thèmes existentiels comme la vie, la mort, l'ici-bas, l'au-delà, la lumière, les ténèbres, l'aspiration à quelques chose de meilleur.

Or, à tous ces niveaux, la religion est présente, car elle imprègne toute notre culture, inséparable de l'art et de l'histoire. Il n'est donc pas étonnant que la publicité se soit emparée des thèmes religieux, d'autant qu'aujourd'hui, on le sait, Dieu intéresse, Dieu fait vendre (alors qu'autrefois, sur une publicité le mot "Dieu" n'aurait eu aucun impact). Mais, puisant son inspiration à toutes les sources, la publicité nous conduit en plein syncrétisme : tout est recyclé, mélangé, télescopé, jusqu'à la pirouette finale de chaque message qui nous ramène à l'objet commercial. Comme l'a écrit un sociologue des religions,

"les racines religieuses, coupées, niées, resurgissent sous des formes flottantes, inventives, parfois douteuses. Chacun y va de son syncrétisme, pratiquant ce que les sociologues appellent le bricolage spirituel. Cet intérêt multiforme fait au moins resurgir des aspirations étouffées". Dans un tel mouvement, la publicité tient largement sa place.

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