L’image que nous nous faisons de l’Église
Type : Réflexion
Thème : L'Eglise
Source : Construire Ensemble
Réf./Date source : 71
Publié sur Lueur le
« Celui qui n'a jamais voyagé croit que sa mère est la seule cuisinière au monde », dit un proverbe africain. Inévitablement, tout chrétien commence par croire que l'Église qu'il ou elle connaît est le modèle authentique, bien que cet avis se nuance au gré des voyages, lorsque nous rencontrons d'autres versions.
Lorsque nous, européens, cherchons à fonder des églises dans le « tiers monde », nous marquons inévitablement de notre expérience d'Église ce que nous cherchons à construire. Un jour, en Thaïlande, jai fait la remarque suivante : les américains réfléchissent en termes d'immobilier important, avec une équipe de pasteurs à plein temps, alors que pour les allemands il faut des bâtiments dans le style gothique, de grandes cloches qui sonnent et des cantiques posés et solennels. Une partie de l'assistance a accueilli ces remarques avec des rires gênés ; j'ai vite compris qu'il s'agissait d'adhérents d'une excellent mission allemande qui venait d'importer en Thaïlande trois belles cloches. Même en voyageant à l'intérieur de notre propre pays, nous rencontrons des variations diverses sur un thème européen. Peut-être la tâche est-elle plus dure pour nous, européens, du fait que nous avons tant d'édifices magnifiques associés à ce que nous appelons « Églises ». William Tyndale fut le premier à utiliser le texte grec pour traduire la Bible en anglais (Wycliffe avait traduit à partir de la vulgate de Jérôme, c'est-à-dire, du latin). Il traduit systématiquement le mot « ecclésia » par « congrégation », sauf lorsqu'il écrit « voleurs des églises païennes ». Tyndale tenait assurément particulièrement à ce que nous considérions les « églises » comme des assemblées de croyants chrétiens. Beaucoup d'entre nous sommes habitués à des bâtiments d'église dont un « côté saint » héberge la table et la chaire (ou le rétroprojecteur !). Dans les églises luthériennes hongroises (n'oublions pas que Luther avait à Wittemberg des étudiants hongrois), la table et la chaire sont réunies en un seul meuble. Les Quakers et les Assemblées de Frères ont préféré une disposition en cercle autour de la table de sainte cène. L'ensemble le plus simple que j'aie jamais vue pour des rencontres d'Église est celui de l'église d'une léproserie « sala » en Thaïlande, où une simple armature en bambou abritait du soleil les malades chrétiens.
Lorsque nous rencontrons le mot, « Église » en lisant le Nouveau Testament, quelle image se présente alors à nous ? Est-elle déterminée par notre expérience - forcément limitée de notre Église locale ? Comment voyons-nous les Sept Églises d'Asie (Apocalypse 2 et 3 ) ? Il est peu probable que l'une d'elles ait été une « méga-église ». Et quelle fut la taille de « l'Église de Dieu qui est à Corinthe » ? Les fouilles des villas de Corinthe semblent indiquer que l'atrium moyen ne pouvait contenir plus de cinquante adultes. L'épître aux Romains s'adresse à « tous les bien-aimés de Dieu à Rome, qui sont appelés à être saints », et on ne s'adresse à aucune « Église » en particulier. Il semblerait, d'après Romains 16.5 et 14.15 que plusieurs groupes se réunissaient, dont certains observaient le sabbat et respectaient les prescriptions alimentaires, et d'autres non. Il n'est que trop facile d'y superposer notre représentation de l'Église, imaginant que leurs « Églises » ressemblaient aux nôtres.
Il y a tant de différences entre les cultures et les Églises. Dans les îles Hébrides, à l'ouest de l'Écosse, comme dans certaines régions rurales d'Irlande, subsiste un sens fort de la communauté ; ils sont liés par une agriculture communale et le fait qu'ils se marient entre eux. Le culte dominical rassemble la communauté un jour par semaine, mais la réalité de la communauté est vécue sept jours sur sept. A Sarawak, Bornéo, une construction appelée « long house » abrite sept cents personnes : des familles logent dans soixante-dix pièces sous un seul toit tout en longueur. Tous, sauf trois ou quatre, sont chrétiens, et parcourent la longue véranda pour se rendre à l'église, une bâtisse rudimentaire qui se trouve au bout. Inutile d'exhorter ces croyants à créer une vie d'Église communautaire : ils la vivent déjà. Dans nos villes et ensembles urbains européens qui datent d'après la révolution industrielle, nous aspirons à construire ce sens communautaire comme une prolongation de l'expérience familiale. Les pressions de nos migrations quotidiennes, la nécessité pour le mari et la femme de travailler tous deux pour subvenir aux besoins de la famille, rendent difficile -à créer et entretenir- une vie d'assemblée chaleureuse et vivante.
Le citadin moderne « stressé » attend peut-être moins de l'Église. Il peut considérer l'église comme une sorte de station service spirituelle où il fait le plein hebdomadaire de son réservoir lors du culte dominical. Nous pilotons, en solo vers le ciel, avec une petite expérience en formation acrobatique le dimanche matin ! Espérons que l'étude et l'enseignement des exhortations adressées aux assemblées de Rome, Corinthe, Éphèse, Philippe, Thessalonique, etc. dans le Nouveau Testament, nous amènent à attendre davantage de notre vie d'Église. Le pasteur se trouve face à des problèmes énormes : il est parfois tenté d'organiser davantage de réunions afin de justifier sa nomination. Puis constate que les membres d'Église n'ont que peu de temps à consacrer à ces rencontres. Qui plus est, reprocher aux membres de l'Église leur absence des réunions supplémentaires va à l'encontre du but recherché. Lorsque mari et femme ont tous deux une activité professionnelle, une visite pendant la journée est inutile et ceux qui font tous les jours un long trajet pour se rendre sur leur lieu de travail, rentrent chez eux tard, fatigués et affamés, Ils n'ont pas grande envie de se rendre à une réunion en soirée pendant la semaine. La prière est indispensable au pasteur pour discerner la façon de gérer au mieux son temps, ainsi que les échanges avec des collègues. L'Église primitive aussi a dû mettre en place des réunions pour s'adapter entre autres aux horaires de travail des esclaves. Paul a exercé son ministère à Troas avant et après minuit (Actes 20.7-11) et jusqu'à l'aube ; on voit ainsi que l'apôtre devait, lui aussi, faire preuve de créativité et de flexibilité. Dans les régions rurales de Java, sous les tropiques, la prédication de l'Évangile attendait la fraîcheur et la tranquillité de minuit.
Le Nouveau Testament nous montre des communautés de croyants aux prises avec les changements de société : toutes les congrégations juives devaient accueillir des convertis païens. Les juifs chrétiens se trouvaient en butte aux critiques des zélotes nationalistes parce qu'ils fraternisaient avec les romains. Les chrétiens du Nouveau Testament vivaient dans une société pluri-religieuse hostile aux chrétiens. Nous sommes, nous aussi, aux prises avec l'impact du changement social sur notre vie d'église dans l'Europe post-chrétienne.
C'est Dieu le Père que nous élevons et adorons, le Fils qui fait de nous des frères et le Saint-Esprit qui nous envoie dans le monde.
Diriez-vous qu'il y a des Églises mortes ?
J'ai osé le dire par le passé mais je m'y refuse aujourd'hui car ce serait cataloguer, condamner et oublier qu'il y a toujours dans chaque Église « un lumignon qui fume » signe d'espoir, d'une renaissance toujours possible.
On est parfois très heureusement surpris.
Que faire dans ces cas-là ?
Se tourner vers Dieu, rechercher sa présence, retrouver le premier amour. Il est la source de la vie et de la joie.
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