Israël pour les chrétiens
4. La terre d'Israël
Type : Dossier
Thème : Religions et Croyances
Source : Construire Ensemble
Réf./Date source : 2000
Publié sur Lueur le
- Israël pour les chrétiens
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- La terre d'Israël
- A propos des Lieux Saints
- Le chrétien, Israël et les Juifs
- Faut-il annoncer l'Evangile au peuple juif aujourd'hui ?
Le lien entre le peuple d'Israël et sa terre est un des thèmes principaux de l'Ancien Testament ; il parcourt toute l'histoire de la révélation depuis l'époque des Patriarches jusqu'à la Restauration.
La promesse de la terre
C'est d'abord à un petit clan nomade qu'est promise la terre. Abram est appelé par Dieu à quitter sa terre pour se diriger vers la terre que Dieu lui montrera (Gn 12.1). C'est donc à des ancêtres nomades qui ne peuvent encore l'occuper et la posséder qu'est promise, jurée (Gn 24.7), une terre sur laquelle ils se déplacent comme étrangers. Les seuls modes d'appropriation concrète de la promesse divine sont le déplacement (" parcours le pays en long et en large, car je te le donnerai " Gn 13.17), la commémoration (autels de Sichem, Hébron, Béthel) et l'acquisition en bonne et due forme d'une propriété funéraire (Gn 23).Dans l'aspect dérisoire de ce titre de propriété dont seuls les morts entrent en jouissance, s'exprime pourtant de manière émouvante la foi de ceux qui n'ont pas vu la promesse se réaliser, mais en attendaient fermement l'accomplissement au delà de leur vie, tel Joseph qui fait jurer à ses frères de transférer son corps d'Egypte en Canaan lorsque Dieu les visitera et les fera remonter " dans le pays qu'il a promis par serment à Abraham, Isaac et Jacob " (Gn 50.24).
Le don de la terre
C'est avec le souvenir de l'alliance accordée aux pères que l'histoire du peuple, condamné en Egypte à l'esclavage et à l'extermination, sort de l'impasse mortelle : " Dieu entendit leurs soupirs, Dieu se souvint de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob " (Ex 2.24). Le lien entre les pères et le pays est confirmé au chapitre 6 : " J'ai établi mon alliance avec eux pour leur donner le pays de Canaan " (v.4, cf. aussi v.8). Si toute la loi est marquée par le thème du pays donné par Dieu, c'est le Deutéronome qui le rappelle de la manière la plus insistante, aussi bien dans les discours de Moïse que dans la formulation des lois. Au moment où le peuple va entrer en possession du pays, il doit se garder de l'orgueil de ceux qui s'estimeraient, en raison de leurs succès et des avantages dont ils jouissent, les plus forts et les meilleurs : " garde-toi de dire en ton coeur : ma force et la vigueur de ma main m'ont acquis ces richesses " (Dt 8.17), " ne dis pas dans ton coeur : c'est à cause de ma justice que l'Eternel me fait entrer en possession de ce pays " (Dt 9.4). A l'heure de la réalisation de la promesse, c'est un appel à la foi et à la confiance en Dieu qui est adressé au peuple : " Lorsque tu diras dans ton coeur : Ces nations sont plus nombreuses que moi ; comment pourrai-je les déposséder ? ne les crains pas. Rappelle à ton souvenir ce que l'Eternel ton Dieu a fait au Pharaon et à toute l'Egypte " (Dt 7.17-18).
Au moment où le peuple va enfin habiter le pays promis, apparaît que la promesse présente un caractère conditionnel. Les bénédictions et malédictions de l'alliance (Lv 26 ; Dt 28) annoncent clairement l'exclusion du pays pour le peuple infidèle : " Je vous disperserai parmi les nations " (Lv 26.33), " l'Eternel te dispersera parmi tous les peuples, d'un bout à l'autre de la terre " (Dt 28.64). La promesse de la terre qui avait nourri l'espérance des ancêtres nomades, accompagné le peuple hors d'Egypte et à travers le désert, qui doit fortifier sa foi au moment d'entreprendre la conquête, ne peut encore assurer l'avenir que dans la confiance et la fidélité au Dieu de l'alliance. Rien n'est acquis pour toujours. Dieu reste le seul vrai propriétaire de la terre : " la terre est à moi ; vous êtes chez moi comme immigrants et résidents temporaires " (Lv 25.23).
L'exil et le retour
Le message des prophètes bibliques qui se sont succédés au cours de l'histoire d'Israël se situe dans cette même ligne. Face aux fausses sécurités derrière lesquelles se retranchaient la majorité de leurs contemporains et les faux prophètes, ils ont annoncé l'échec progressif et définitif de la royauté, la fin des deux royaumes, la perte de la souveraineté d'Israël sur sa terre, l'exil en Assy-rie et à Babylone.
Jamais toutefois l'exil, si souvent annoncé, n'est présenté comme une perte définitive de la terre donnée par Dieu. Au delà du châtiment, le rassemblement des exilés, leur retour dans leur pays sont annoncés : " Celui qui a dispersé Israël le rassemblera et il le gardera comme un berger son troupeau " (Jr 31.10). Cette promesse du retour est présente non seulement chez les trois grands prophètes (Esaïe, Jérémie, Ezéchiel), mais aussi chez la plupart des " petits prophètes ". C'est donc une constante de la perspective des prophètes sur l'avenir. On ne saurait en limiter la portée à des accomplissements partiels et provisoires, car elle présente un caractère définitif : " ...je les ferai revenir dans ce pays ; je les édifierai et ne les détruirai plus ; je les planterai et ne les arracherai plus " (Jr 24.6).
Actualité de la promesse
Pour celui dont la Bible ne comporte que l'Ancien Testament, c'est à dire pour un Juif, il est impossible de récuser ce lien du peuple à sa terre ; un lien qui parcourt toute la Bible et appartient, non seulement à l'histoire de l'époque biblique (de la période patriarcale à la restau-ration) mais à la perspective eschatologique. Proposer une autre lecture, pré-tendre que ce lien du peuple d'Israël à sa terre ne serait que le sous-produit d'une idéologie transitoire, reviendrait à nier la qualité de révélation de l'Ecriture.
Le Nouveau Testament nous révèle que Jésus est le Messie d'Israël ; en lui se réalisent les promesses faites au peuple élu et, par lui, celles-ci sont accessibles à des hommes de toute nation. En lui se réalise l'aspect universel de la pro-messe, présent dès l'origine (Gn 12.3), repris et amplifié par les prophètes qui décrivent toutes les nations affluant à Jérusalem pour recevoir l'instruction du Dieu de Jacob (Es 2.3 // Mi 4.2). Il est évident pour nous que ce n'est plus à Jérusalem que nous recevons l'enseignement du Seigneur, mais en écoutant le Messie Jésus, en croyant en lui. La question se pose donc : la promesse de la terre subit-elle le même déplacement, le même recentrage en Christ de la perspective eschatologique de l'ancienne alliance ou subsiste-t-elle comme bénéfice particulier du peuple d'Israël ?
Le chrétien doit tenir compte de ces deux faits : la permanence du peuple d'Israël jusqu'à ce jour et, depuis cinquante ans, l'existence sur la terre d'Israël d'un État d'Israël. Alors que le Nouveau Testament annonce la destruction de Jérusalem en l'an 70 comme la conséquence du rejet du Messie 1 , comment celui qui croit tant soit peu à la maîtrise de Dieu sur l'histoire pourrait-il penser que les deux faits évoqués ne doivent rien à sa fidélité ? Dieu n'a pas arraché l'olivier Israël ; le sens, pour Israël et pour l'Église, de la coexistence de l'un et de l'autre serait trop long à explorer ici ; disons au moins qu'il serait indécent de la part de l'Église de refuser à Israël la consistance que lui donne l'existence d'une nation sur la terre promise à ses ancêtres.
Emile Nicole, Professeur d'Ancien Testament et doyen de la faculté de théologie de Vaux-sur-Seine
1. 1 Lc 19.42-43 ; cf. aussi 1 Th 2.16.
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