Jephté : Quel exemple pour nous ?
Type : Enseignement
Thème : Le Caractère du Chrétien
Source : Construire Ensemble
Réf./Date source : 11/1998
Publié sur Lueur le
Jephté était considéré comme un batard, un vagabond, un SDF, un vaurien et pourtant son nom est cité comme un des héros bibliques de la foi.
Quelle influence le passé a-t-il sur les décisions prises dans la vie ? Sans être freudien à l'excès, il est néanmoins vrai et même évident de constater qu'un passé difficile (surtout s'il s'agit de l'enfance) peut voir des conséquences parfois imprévisibles et dramatiques sur des décisions prises dans la vie bien plus tard. C'est le cas de Jephté dont l'histoire nous est contée dans le livre des Juges (chapitres 11 et 12). Mais par ailleurs, cet homme à la vie mouvementée peut nous servir d'exemple dans maints domaines de la vie quotidienne. A nous d'en tirer profit, et c'est bien l'objet de cette réflexion.
Jeunesse troublée et pardon
Fruit d'une aventure amoureuse éphémère de son père avec une fille des rues, donc considéré comme "bâtard" par ses demi-frères, Jephté a dès son adolescence été chassé de sa famille par ceux-ci et contraint à une vie de vagabondage, de S.D.F. (Juges 11.2). A cause probablement de sa forte personnalité, il arrive à créer "la bande à Jephté", avec des "vauriens", des "hommes de rien" comme nous dit la Bible. Que faisaient-ils ? Ils "sortaient avec lui" (Juges 11.3). Est-ce à dire qu'ils étaient des délinquants commettant des méfaits, ou bien s'étaient-ils organisés en espèce de S.A.R.L. à caractère commercial (il fallait bien survivre !), ou alors avaient-ils fondé une association à but humanitaire dans le but de servir la population ? Bref, son existence était une vie d'aventure.
Et voilà que ses demi-frères et les anciens copains du village de Galaad viennent lui lancer un S.O.S. (ayant tendu parler du succès de la "bande Jephté" par le "téléphone arabe") : liens, tu seras notre capitaine !" (Juges 11.6) lui lancent-ils tout penauds. Et que fait notre ami ? Après une brève question de psychologie et de logique à leur encontre (Juges 11.7) il accepte. Sans rancune, ce qui prouve son pardon envers leurs ignobles agissements passés.
Premier enseignement : une enfance difficile ne durcit pas forcément le coeur, au contraire.
Diplomatie et courage
Le deuxième chapitre de sa vie semble aller mieux que le premier. Jephté, devenu chef du peuple, use d'abord de diplomatie envers les Ammonites venus attaquer Israël (Juges 11.12-27). Avant de verser du sang, il s'agit de raisonner l'ennemi. Ainsi, non seulement notre ami n'est pas bête, mais il est profondément humain : il connaît l'histoire passée de son peuple avec ses succès et ses échecs. Il tâche de l'expliquer logiquement à son interlocuteur (Juges 11.26) et en plus, il sait se mettre sous la houlette de son Dieu (Juges 11.27), lui laissant le dernier mot. Non seulement diplomate et courageux, mais aussi humble et profondément croyant.
Deuxième enseignement : une enfance difficile n'altère pas la foi de quelqu'un, au contraire.
Parole insensée (voeu stupide)
Jephté, bien qu'exemple de foi, courage, diplomatie, intelligence et humanité, n'en demeure pas moins pécheur. Il a commis une grosse gaffe dans sa vie, une erreur monumentale : son voeu insensé (Juges 11.30-31)
Ce qui est troublant dans le texte, c'est que le v.29 nous dit que l'Esprit de l'Eternel fut sur Jephté". Mais ce qui est sûr, c'est qu'il n'avait pas mesuré la profondeur et les conséquences de ses paroles, pensant sans doute à une bête sortant de chez lui lors de son retour victorieux de la bataille. Et dans son élan de générosité et de consécration (et oui !) il a fait cette promesse d'offrir en sacrifice la première personne vivante sortant de chez lui. Et ce fut sa propre fille, sa fille unique (Juges 11.34) ! Le mot employé en hébreu dans le texte signifie bien "ouvrir la bouche" ; on pourrait donc traduire par "j'ai ouvert témérairement ma bouche à l'Eternel" ou, en d'autres termes, "je lui ai fait un voeu imprudemment". Bref, il a parlé trop vite, il a trop parlé ! Et ainsi, il a fauté, et a dû en subir les conséquences.
A-t-il réellement offert sa fille en sacrifice ? Quand on sait que les sacrifices d'êtres humains étaient formellement défendus par Dieu (cf. Lévitique 18.21 ou Deutéronome 12.31) on a du mal à le croire, et ce serait une abomination devant Dieu.
Des commentateurs plaident pour un sacrifice d'ordre spirituel en invoquant des textes tels que Ex 13.1, Ex 13.13 ou Nombres 18.15-16 parlant des premiers-nés consacrés au Seigneur, comme par exemple plus tard le sera Samuel. Le mot hébreu n'implique pas l'idée de brûler, comme notre mot "holocauste" mais simplement le fait d'aller vers l'autel en dévotion totale envers Dieu. Dans cette hypothèse, le malheur restait néanmoins pour sa fille car elle devait subir un choix qu'elle n'avait pas fait elle-même. Il semble qu'elle ne pourrait en conséquence jamais se marier ni avoir des enfants. A chacun de se faire une opinion là dessus.
Quoi qu'il en soit, un troisième enseignement peut être dégagé de cela : c'est peut-être l'enfance malheureuse de Jephté qui est indirectement la cause de cette parole prononcée à la légère. En effet, le manque de stabilité émotionnelle de notre ami, héritée de son enfance, conjuguée avec son bon coeur presque naïf dû au manque de bon exemple parental, l'ont peut-être ainsi incité à parler à la légère avec les conséquences que l'on sait. Ce qui n'est finalement ici qu'un vibrant plaidoyer pour le maintien de la stabilité familiale et l'enseignement des enfants dans nos Eglises !
Décidément, notre ami n'a pas de chance : à peine sorti de son malheur avec sa fille, il doit tout de suite affronter d'autres problèmes avec des gens de son peuple (Juges 12.1). Et là encore, notre ami s'avère pédagogue et diplomate (Juges 12.2-3). Malheureusement, cette fois-ci, la guerre est inéluctable et ce qui est encore plus tragique, c'est que nous assistons à une guerre civile, fratricide !
Quel exemple Jephté peut-il nous laisser ? Quelle influence aura une enfance difficile ou d'une manière plus générale, un passé lourd, sur les décisions prises aujourd'hui ? Sera-ce la fatalité qui prévaudra ? Notre héros en est un contre-exemple flagrant : à part sa faute monumentale, le reste de sa vie ne peut qu'être un encouragement à aller de l'avant, à se battre pour la vie même si les circonstances ou les personnes viennent parfois faire obstacle à un épanouissement personnel. En effet, ancrée profondément en Jephté, il y avait cette foi ferme en un Dieu capable de transformer des vies. N'est-il pas cité en Hébreux 11.32 parmi d'autres héros bibliques de la foi ?
A tous ceux qui travaillent dans le social, la vie de Jephté pourra devenir un encouragement, tout en ne devenant pas utopiques car l'homme reste pécheur. Sachons néanmoins utiliser le potentiel humain merveilleux qui vit en tout être humain créé par Dieu à son image, selon sa ressemblance (Genèse 1.26) et ne soyons pas défaitistes avant l'heure sous prétexte que telle personne a eu une enfance difficile, ce qui n'empêche pas une certaine vigilance et de la sagesse.
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