La véritable rencontre de Job
Type : Réflexion
Thème : Les Livres Bibliques
Source : Croire & Servir
Réf./Date source : 06-1996
Publié sur Lueur le
"Mon oreille avait entendu parler de Toi, mais maintenant mon oeil T'a vu !" (Jb 42.5)
Dieu était pour Job, jusqu'alors, un sujet de dissertation, un "problème" comme on dit: ça concernait son intelligence, ses connaissances, ses cellules grises. Si ce n'est pas en soi une mauvaise chose, il n'empêche que justement à cause de cela, Job voyait une absence méprisante de Dieu là où il y avait une présence pleine de respect et d'espérance. En voyant avec sa seule intelligence, il ne voyait rien. Plutôt il voyait bien tout, mais le déchiffrait mal; il y voyait même son contraire. Maintenant en voyant avec le coeur, il voit tout et il voit tout à l'endroit. Seul l'amour reconnaît et déchiffre l'amour. Job, cette fois, a rencontré Dieu. Ou Dieu a rencontré Job.
"Mon oeil T'a vu" - "Oui! Tu étais là, je Te voyais, mais je ne Te voyais pas tel que, Tu es".
Rien n'a changé, et pourtant tout est changé pour Job! Car son optique a complètement changé depuis sa rencontre avec Dieu car depuis, simultanément il aime Dieu, ce Dieu, qui lui paraissait si peu aimable. Tout est remis à l'endroit. Sans doute savez-vous que ce changement d'optique s'appelle la "conversion". En grec, en tout cas, ce terme signifie "changement d'intelligence": intelligence des choses, des autres, de Dieu.
Et voilà à quoi peut finalement nous mener le livre de Job: à ce changement d'optique. Il peut nous montrer que si nous tentons de regarder le monde, la souffrance et Dieu Lui-même avec la seule aide de notre intelligence, nous n'y verrons qu'énigmes, scandales, absurdités, contradictions et finalement désespoir.
La Bible, sans Job, ne serait plus tout à fait la Bible; c'est un peu comme si, dans l'histoire du Christ, il manquait la tentation et Gethsémané et surtout le "Pourquoi, pourquoi m'as-Tu abandonné?". Il nous manquerait cette lutte à bras le corps avec la souffrance, cette vision sincère du monde et des hommes. Il nous manquerait aussi cette certitude que Dieu aime les hommes qui, sincèrement, regardent le monde tel qu'il est, et non pas tel qu'ils voudraient qu'il fût. Il nous manquerait cette certitude que Dieu aime aussi ceux qui, à cause de la souffrance, le nient ou le rejettent. Mais surtout, il nous manquerait cette certitude que Dieu répond à ceux-là même qui, dans leurs cris ou leur révolte, malgré tout, Le cherchent.
Pour nous chrétiens, le livre de Job ne prendra sa pleine lumière qu'avec le Nouveau Testament. Et ceci, non seulement parce qu'à certains moments, Job a entrevu la nécessité d'un médiateur, mais parce que, dans sa souffrance même, Job est un précurseur du Christ. Nous ne pouvons pas oublier que Jésus-Christ est venu assumer, vivre Lui-même, les souffrances et l'épreuve de Job. Le Fils de Dieu n'a pas laissé souffrir Job sans venir souffrir Lui-même. Dieu, pour nous chrétiens, est venu par le Christ vivre le malentendu de l'Amour.
Mais il faut aussi dire que les passages comme le second (éblouissant) discours de Dieu (Jb 40-41) seraient parfaitement inintelligibles ou simplement écrasants, voire rebutants, s'il n'y avait eu le Vendredi Saint.
Car c'est là qu'apparaît vraiment ce paradoxe du Dieu qui vainc au moment où Il est vaincu. Du Dieu dont toute la vraie toute-puissance est de devenir faible; du Dieu qui aurait pu subjuguer les foules, les contraindre, extirper Lui-même l'ivraie de leur coeur. C'est le sens des Rameaux: "Il aurais pu...", mais Il a préféré être rejeté par les foules, être traité Lui-même comme l'ivraie pour que le coeur des hommes ne soit pas éternellement vide, sans ivraie certes, mais aussi sans bon grain, sans péché, mais aussi sans amour.
Oui, aux Rameaux, Jésus-Christ nous montre qu'Il est Roi. Au Vendredi Saint, Il nous montre que sa couronne est une couronne d'épines.
Alors maintenant, vous aussi, en tant que chrétiens, saurez-vous dire:
Mais maintenant mon oeil T'a vu...
Je T'ai rencontré... Sur la Croix !"
Mais déjà le païen Job, émerveillé par la transcendance et la présence de Dieu, l'avait, à sa manière, rencontré et adoré.
"Job : pour rien", Ed. Omega
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