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La guérison : pourquoi ? comment ?
1. La guérison : pourquoi ? pourquoi pas ? comment ?

Auteur :
Type : Dossier
Thème : La guérison
Source : Aimer & Servir
Réf./Date source : 109  
Publié sur Lueur le
Sommaire du dossier :
  1. La guérison : pourquoi ? pourquoi pas ? comment ?
  2. Une perspective différente
  3. Un pouvoir fascinant ?

L'univers secret du malade

Pourquoi lors d'une épidémie de grippe, par exemple, une personne tombe-t-elle malade, une autre pas ? Pourquoi de deux malades, l'un se rétablit rapidement alors qu'un autre fera des complications, dans des conditions tout à fait comparables ? La maladie et la guérison comportent donc une part de mystère qui n'a que partiellement cédé aux progrès spectaculaires de la science. L'attitude délibérément rationnelle adoptée depuis longtemps par d'infatigables chercheurs et de consciencieux praticiens ne permet pas de rendre compte à coup sûr d'un processus de guérison, non point tant dans sa généralité que dans les situations singulières d'échec. C'est une banalité de dire que chacun, chaque personne, a sa façon originale de s'adapter aux circonstances extérieures.

Un épisode de recherche expérimentale en hôpital psychiatrique illustrera ce propos. Il s'agissait de réponses au conditionnement selon des pathologies spécifiques. Un patient parut ne pas réagir conformément aux hypothèses jusque-là vérifiées. Impatienté, le médecin cria à travers le mécanisme de communication : "Avez-vous fini de faire la mauvaise tête !" Pour caricaturale que soit la situation, elle montre pourtant la rencontre de deux logiques. En effet, une investigation ultérieure révéla que le patient, fort attentif, s'était fait un devoir de ne répondre qu'au stimulus primaire réprimant soigneusement toute velléité de réagir à quelqu'autre signal que ce soit. Car, pensait-il, il s'agissait d'un test d'obéissance. Dans un domaine purement psychophysiologique, nous observons côte à côte deux façons différentes de comprendre un même ensemble de stimulations.

Essayons de transposer cette situation à une relation thérapeutique ordinaire. Même dans l'hypothèse réductrice où le malade est un ensemble physico-chimique déficient, on peut estimer qu'il est déjà à ce seul niveau, un système "intelligent". C'est-à-dire un système ayant une histoire, une mémoire, ou un répertoire de réactions plus ou moins bien adaptées aux agressions extérieures. A ces comportements déjà complexes qui s'enracinent dans l'obscurité de l'être, s'ajoutent les attitudes un peu plus conscientes et plus perceptibles de ce que nous appelons la "personnalité" : Celle-ci s'est peu à peu construite à partir des fonctions cognitives et affectives mobilisées lors des transactions avec l'environnement. Elle est donc aussi partie prenante dans les situations de maladie et d'acheminement vers la guérison, qui est celle de toute la personne.

Les soins, obstacle à la guérison ?

Malgré les apparences est-ce que cet ensemble complexe qui constitue la personne se prépare toujours volontiers au changement supposé heureux de la guérison ? Il est devenu banal de parler des bénéfices "secondaires" de la maladie. Les avantages matériels tels que passe-droits, respect, attentions, indemnités diverses sont trop connus pour ne point suggérer à l'organisme de ne pas rompre inconsidérément avec la maladie. Les soins en établissement hospitalier engendrent parfois de telles situations conflictuelles.

A l'époque héroïque des sanatoriums, nombre de rechutes plongeaient le corps médical dans l'embarras. Après un temps convenable de repos et d'antibiotiques, un patient pouvait répondre aux critères d'une bonne stabilisation qui permette de fixer une date de sortie. Mais à l'approche de l'échéance, des signes inquiétants réapparaissaient annulant le départ et inaugurant une nouvelle période de traitement. Le mot "rechute" appartenait bien au vocabulaire courant de cette époque. Or l'affaire devenait beaucoup plus troublante quand la rechute se répétait plusieurs fois dans des conditions identiques.

Dans ces établissements spécialisés aux longs séjours, la maladie devenait aisément un élément identitaire et un mode de relation avec l'entourage. Elle entrait en particulier dans une transaction étrange avec le pouvoir médical, sorte de parent tout-puissant, dont la protection était recherchée et auquel le patient pouvait ou non, faire le cadeau de sa guérison. De plus, quitter un univers clos, parfaitement organisé et hiérarchisé, c'était aussi prendre le risque, nouveau, parfois oublié, souvent fui, de l'autonomie, de la responsabilité et d'une certaine solitude. Ainsi, les avantages thérapeutiques de la situation hospitalière finissaient pour certains par menacer le processus même de guérison. Tous ces effets paradoxaux des soins institutionnels vaguement appréhendés à l'époque, se sont dans la suite confirmés à l'occasion de recherches spécifiques en hospitalisation psychiatrique. (cf. Goffman, Asile).

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