Martin Luther King, pacifiste
3. L’Eglise de Martin Luther King, l’Eglise Noire Américaine
Type : Dossier
Thème : Personnalités protestantes
Source : Lueur
Publié sur Lueur le
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A l'adolescence, tourmenté par des doutes existentiels dont il n'ose pas parler à son père, Martin commence à résister à ce dernier qui veut faire de lui son successeur au poste pastoral de l'église Baptiste d'Ebénézer. Martin ne veut pas devenir pasteur, et, d'ailleurs, il n'aime plus la façon dont se déroulent les cultes dans les "églises noires" américaines: trop d'effusions en tous genres, trop de mouvement, trop de bruit, et des sermons qui ne lui semblent pas être assez en phase avec la vie moderne et avec ce que vivent les gens quotidiennement. Il reviendra plus tard sur ses réactions viscérales de jeunesse, mais à ce moment-là, tout cela l'agace. Il en a un peu honte, au fond. Et il ne se rend pas compte à quel point il est tout de même marqué par ce contexte religieux dans lequel il a été élevé.
Un des premiers biographes de King, Stephen B.Oates, commence sa biographie en racontant comment, à un très jeune âge, Martin est devenu membre de l'église baptiste d'Ebénézer, à Atlanta, en Géorgie, où son père est pasteur et sa mère organiste. Et Oates de remarquer que l'église est comme une deuxième famille pour le jeune King :
"Le gamin était à l'église toute la journée du dimanche et une partie des après-midi et soirées en semaine. C'est l'église qui a défini le monde de son enfance, lui donnant ordre et équilibre, lui apprenant à "faire bon ménage avec les autres". Là, Martin savait qu'en tant que fils du pasteur, il était quelqu'un de tout spécial" (6).
Le pasteur Otis Moss a essayé de mettre sur le papier les points importants qui caractérisent les "églises noires" de l'époque aux Etats-Unis. En voici quelques extraits qu'il a rédigés comme un poème:
"Je suis un homme noir(...)
J'ai beau avoir 50 ans,
On m'appelle " mon garçon"(...)
Pendant six jours, je ne suis personne,
Même pas un être humain(...)Mais le dimanche,
Dans mon église,
Je rassemble tout mon être.
J'y retrouve intégrité et plénitude.
Oui, dans l'église noire
Je deviens une personne!
A la fois Mère, Père, Consolatrice et Protectrice,
Mon église noire est un lieu social,
Un foyer de liberté, un centre culturel,
Le réservoir de mon héritage spirituel
Le chant de mon âme(...)Dans mon église noire, j'ai trouvé
réconfort et force pour supporter les pressions
qui en ont envoyé tant d'autres à l'asile.
Mon église noire m'a sauvé du suicide
et m'a permis de survivre aux maîtres des esclaves.Dans le témoignage des Hébreux de l'antiquité
qui ont connu l'ignominie de l'esclavage,
j'ai trouvé du réconfort et un sens d'identité.
Ils sont mes frères spirituels
Et je sais qui est le Dieu qui veillait sur eux.
Je connais ce Dieu-là et je peux le chanter... " (7)
Dans son ouvrage sur les Negro Spirituals, Bruno Chenu va dans le même sens quand il dit que " le christianisme noir"... est :
"d'abord un lieu d'affirmation, de reconnaissance, d'identification. Envers et contre tout, le christianisme a permis aux asservis de conquérir leur humanité. Il a été le lieu où ils ont pu se sentir exister comme personnes et comme peuple parce que c'est Dieu lui-même qui décrétait leur identité et leur dignité. Grâce aux récits bibliques, les Africains ont retrouvé leur confiance en la vie, ils ont préservé leur santé morale, ils ont découvert un avenir (...) Dans cette expérience de foi, il y a surtout Dieu. Un Dieu aimant qui ne peut qu'être proche et actif. Loin d'être l'obscure puissance de l'univers, il est le soutien familier, le père attentif (...) On peut s'adresser à lui, on peut lui parler... et il nous parle. Le peuple noir existe comme peuple à partir du moment où il peut se dire "peuple de Dieu". C'est en trouvant Dieu qu'il se trouve lui-même et acquiert une liberté inattaquable (...) Car Dieu ne fait pas de discrimination entre les personnes: toutes sont frères et soeurs en Christ. Reconnus par le Dieu Tout-Puissant, les Noirs ont alors la force de s'affirmer devant les hommes." (8)
Martin Luther King sera marqué au plus profond de lui-même par ce contexte, quoiqu'au moment de l'adolescence, il tente de s'en éloigner, de prendre du recul par rapport à ce milieu de son enfance qu'il voit avec des yeux critiques. Pour se trouver lui-même, il lui faut aller voir ailleurs, et faire d'autres projets que ceux que son père formule pour lui.
Martin cherche donc à orienter son existence autrement, envisageant tout d'abord la médecine ou le barreau, puis l'enseignement en université... Il trouverait peut-être là le moyen de damer le pion à ces blancs qui se croient tout permis! Il faut dire que, plus il grandit, plus il se rend compte de l'importance capitale qu'a une instruction solide. Il est conscient du pouvoir des mots, et de la nécessité pour les noirs d'apprendre à bien s'exprimer en public aussi bien pour leur propre estime d'eux-mêmes que pour gagner celle des autres.
7 Tiré de Home Missions Magazine, vol.XLI, April 1972, pp.3,5
8 Bruno Chenu, Le grand livre des Negro Spirituals, Bayard, Paris, 2000, p.136
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