Pardonner ?
Type : Enseignement
Thème : Santé & Psychologie
Source : Jean-Louis Lafont
Publié sur Lueur le
Je n'ai pas la prétention de faire ici le tour du sujet, mais de donner quelques pistes. Le pardon est un des éléments puissants de restauration de l'individu. On a mis ce mot à toutes les sauces et on l'a utilisé trop souvent à mauvais escient. On ne doit pas « demander pardon » après avoir bousculé quelqu'un involontairement, mais dire « excusez-moi ». A l'inverse s'excuser après avoir intentionnellement blessé par des mots ou des gestes une personne n'est pas adapté à la situation. Arriver à dire « pardonne-moi », ou encore « je te pardonne » est une véritable écologie de l'esprit. J'ajoute que lorsqu'on demande pardon à quelqu'un, on attend sa réponse, on attend son pardon. Pour diverses raisons, il n'est pas toujours possible ou souhaitable d'avoir la personne à qui on veut accorder son pardon en face de soi. Cela n'affecte en rien la puissance du pardon qui opère dans notre coeur et nos pensées tout en agissant sur la situation.
Le pardon est-il un acte réservé aux faibles ? Bien au contraire, pardonner est un acte courageux. Nous savons tous que le vrai pardon est toujours douloureux et que refuser toute vengeance n'est jamais facile. Il nous en coûtera parfois de savoir que celui qui nous a fait du mal va s'en tirer sans égratignures et sans que personne ne sache combien il nous a fait souffrir. Il faut donc du courage pour pardonner. S'il est vrai que c'est à contre-courant de notre nature humaine, c'est précisément là que nous entrons dans une autre dimension spirituelle, émotionnelle et relationnelle.
Le refus de pardonner est comme une chaîne autour du cou, il retient notre potentiel de succès, étouffe notre liberté et notre joie, affecte notre santé. Les corps des personnes agressées sexuellement, celles qui ont des secrets douloureux ou ont connu des trahisons, parlent avec force à qui sait entendre. Ces douleurs-là en effet affectent le corps, le meurtrissent. De nombreuses maladies ne sont rien d'autre que le prolongement de la douleur, la haine, la vengeance et la colère toujours vivantes en nous. S'installer dans un refus absolu de pardonner est la pire des options, c'est une entrave qui freine notre croissance. Cela entretient un lien permanent avec le passé et l'épisode douloureux, tout en nous privant de faire un pont vers le futur pour reconstruire. Pardonner a toujours des conséquences extrêmement bénéfiques sur la santé, les pensées et sur la relation à soi et aux autres.
Peut-être attendez-vous que les autres demandent pardon en premier ? Et s'ils ne le font jamais ? Chaque fois que quelqu'un vous blesse, vous avez deux choix : ruminer la rancoeur ou pardonner. Si beaucoup de gens hésitent à faire preuve de miséricorde, c'est qu'ils ne comprennent pas la différence entre la confiance et le pardon. Pardonner, c'est apaiser le passé ; faire confiance concerne l'avenir. Si le pardon doit être immédiat, la confiance, elle, demande plus de temps et parfois ne se rétablit pas.
Si vous avez quelque chose contre quelqu'un, pardonnez-lui. (Marc 11.25)
Avant de réfléchir à la vraie signification du pardon, voyons ce qu'il n'est pas :
- Pardonner ne veut pas dire approuver la conduite de l'autre. Jésus pardonna à la femme adultère, sans approuver son attitude, il dit : Va et désormais ne pêche plus (Jean 8.11).
- Pardonner ne veut pas dire amnistier ou gracier. Ce terme juridique implique que la personne amnistiée n'a plus à répondre de ses actes. Si ses comportements relèvent du pénal, elle doit en rendre compte.
- Pardonner n'est pas synonyme de réconciliation. Pour se réconcilier, les deux parties en présence doivent se mettre d'accord, ce qui n'est pas toujours le cas.
- Pardonner ne veut pas dire minimiser la faute de l'autre : « même pas mal ». Avant de pouvoir vraiment pardonner, il nous faut accepter la souffrance qui nous a été infligée.
- Pardonner ne veut pas dire oublier ! Nous ne pouvons jamais oublier les événements marquants de notre vie. Nous choisissons seulement, parfois, de ne pas nous en souvenir !
- Pardonner ne veut pas dire pardonner tout de suite. Il est compréhensible qu'il faille parfois du temps pour cela, mais ce rendez-vous ne peut être évité.
Pardonner est signe que la guérison intérieure est véritablement enclenchée. Pardonner signifie que l'on refuse de se considérer comme une victime et qu'on tourne la page sur ce passé-là !
Tout le monde connaît l'histoire de la femme prise en flagrant délit d'adultère (Jean 8.1-11). La Loi est formelle, elle doit être lapidée. Elle n'a aucun avocat pour la défendre, pas de témoin en sa faveur, rien. Jésus lui dit : Je ne te condamne pas et en une seule phrase, il la fait passer d'une position de culpabilité totale à celle de pardon sans condition. Elle ne savait même pas que cela était possible. Elle a expérimenté alors le sens du mot « grâce » qui vient du grec charis qui signifie « joie totale ». La joie gagne aussi celui qui pardonne.
L'étape suivante sera de bénir la personne. C'est parfois un gros défi. Concrètement il convient d'avoir des paroles et des pensées qui sont à l'opposé de celles que nous avons envers une personne qui nous a blessé et qui parfois continue à le faire. Il s'agit de souhaiter sa réussite dans les projets qu'elle entreprend, qu'elle soit préservée de la maladie et de la pauvreté, qu'elle soit heureuse en amour et en amitié. C'est désirer le meilleur pour elle, que la joie et le bonheur l'accompagnent tous les jours de sa vie. Bénir une personne, c'est également vouloir qu'elle puisse bénéficier d'une issue heureuse dans l'adversité. Cela revient en fait à vouloir pour elle, ce que l'on voudrait pour soi. C'est difficile ? Oui ! C'est atteignable ? Oui ! Pardonner, pardon, par-don. Pardonner est un don, un don tellement précieux.
Pour toutes ces raisons, on peut dire que le pardon et la bénédiction sont réservés non aux faibles mais aux forts.
Répétons-le, se pardonner à soi-même reste le grand défi. En comparaison pardonner aux autres peut sembler facile. Dans les cas d'inceste par exemple, on se demande parfois de quoi la victime se sent coupable et comment cela peut se traduire par de l'autodestruction. Il faut comprendre que les questions des magistrats (parfois de l'entourage) « Pourquoi tu n'as rien dit, pourquoi tu n'as rien fait, pas dit non ? » sont très culpabilisantes. Comment un enfant de 6 ans devant un homme d'un mètre quatre vingt, qui de surcroît est son père, pourrait-il dire non ?
A partir du moment où on n'a pas dit non on se sent coupable. Coupable de n'avoir rien fait, rien dit et parfois de n'avoir pas su protéger les plus jeunes de la fratrie. La victime se trouve alors prise entre marteau et enclume, car si parler peut délivrer de cet enfer, parler exclut aussi du système familial. Soyez donc indulgent avec vous, pardonnez-vous d'avoir été cet enfant impuissant qui n'a rien fait, ou plutôt qui n'a rien pu faire.
C'est un chemin personnel de plusieurs années qui va amener une victime à se pardonner à elle-même. Cela demande du temps et oblige à travailler sur soi-même. Tant que les blessures ne sont pas cicatrisées, le pardon n'est pas véritable. Pour y arriver une aide est indispensable. Elle pourra venir d'amis, de professionnels, de groupes de paroles par exemple. Au fond, si ce chemin est long, c'est qu'il porte un message d'espoir : la vie n'en a pas encore fini avec vous, des rencontres vous attendent, des apprentissages nouveaux aussi. Vous allez reconquérir de l'autonomie et de l'assurance. Si vous avez un deuil à faire, faites celui du passé. Curieusement se pardonner à soi-même passe toujours par un travail sur soi avec d'autres. Le plus grand cancer de notre société étant l'isolement, ne restez pas isolé, connectez-vous !
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