De la parole aux actes
Type : Réflexion
Thème : Témoigner
Source : Construire Ensemble
Réf./Date source : 94
Publié sur Lueur le
L'évangélisation est-elle essentiellement de l'ordre du discours? Ou au contraire est-elle le résultat du témoignage, parfois silencieux, de la vie des chrétiens qui sont comme le levain dans la pâte?
Que la Bonne Nouvelle soit une parole, qui pourrait en douter? C'est une nouvelle qui nous est communiquée et comment pourrions-nous l'entendre si personne ne la proclame? Cela est évident, et pourtant nous sentons bien que cela ne suffit pas.
Parole, parole...
Si l'Évangile est un discours, il risque fort de se diluer au milieu des innombrables discours qui nous sont proposés. Car nous ne sommes plus à une époque qui croit aux discours. Ils sont si faciles à prononcer, comme les promesses électorales
Et cela est d'autant plus vrai que les mots employés ne s'enracinent plus dans une culture commune comme c'était autrefois le cas. Quand nos pères annonçaient l'Évangile, quand Billy Graham s'adressait aux foules des États du Sud des États-Unis, ils rappelaient une parole connue et largement acceptée, même si on l'avait oubliée. Alors que le récit chrétien n'est aujourd'hui plus guère compris de nos contemporains. Il risque donc de passer pour une histoire mythique, tout juste bonne à consoler ceux qui ont besoin d'aide pour traverser la vie.
La vie et l'Esprit
Pourtant, si ceux qui nous entourent ne connaissent plus les grands récits bibliques et encore moins l'essentiel de l'Évangile, il faut bien leur transmettre le message, leur raconter cette parole qui s'adresse à l'humanité et donc aussi à eux personnellement. Mais quel peut être le poids d'un discours aussi étrange? Il me semble que deux forces collaborent mystérieusement dans cette transmission. D'une part, il y a le poids de la vie de celui ou de celle qui parle. Si la vie de celui qui parle interpelle par la confiance, l'action, l'amour, l'écoute, etc. alors les mots qu'il utilisera pour en exprimer le fondement auront du sens. Ce n'est pas pour rien que Jésus guérissait et ne se contentait pas d'enseigner. On aura "vu" l'Évangile avant de l'entendre. Et puis, bien sûr, il y a la force invisible de l'Esprit qui travaille sans que nous sachions comment, dans le coeur des gens, qui fait qu'une parole parfois même mal exprimée peut changer une vie. De ces deux forces, il va de soi que la seconde est l'essentielle et qu'elle seule porte ultimement du fruit. Mais notre responsabilité est de mettre notre vie en conformité avec la parole que nous voulons annoncer.
D'humbles témoins
Peut-être nous sentirons-nous écrasés par le poids de cette responsabilité. Sommes-nous alors "dignes" d'annoncer l'Évangile? Se poser la question, c'est peut-être commencer à se faire une fausse idée de l'Évangile. Car son message nest pas celui de la perfection ou de la morale, mais avant tout celui de la grâce et de l'amour de Dieu. Est digne d'annoncer l'Évangile celui qui veut en vivre, qui l'accepte pour lui, celui qui sait et reconnaît ses besoins et ses failles et qui se confie en Jésus, le Christ. Comme pour le pharisien de l'Évangile, c'est lorsque nous nous sentirons enfin dignes que nous commencerons peut-être à cesser de l'être. Ce qui compte, c'est d'être le premier concerné par le message que j'annonce et seulement cela. Mais il est clair que si je ne cherche pas à vivre de cette grâce, si le pardon que j'annonce pour les autres ne me concerne pas, alors l'Évangile devient une idéologie comme une autre et cela se sent.
Notre vie ne témoigne pas que par ses vertus, même si les fruits de l'Esprit parlent d'eux-mêmes. Elle témoigne aussi par la vérité avec laquelle nous pouvons reconnaître faiblesses et incapacités. Rappelez-vous comment les Béatitudes disent aussi heureux les pauvres selon l'esprit, les affligés, ceux qui ont faim et soif. La vérité de notre témoignage sera la vérité de notre soif de Dieu et de la vie qu'il donne.
La communauté nouvelle
Mais il est un autre instrument essentiel dont le Seigneur se sert pour transmettre l'Évangile, c'est l'Église. Elle est le lieu par excellence où des personnes cherchent ensemble à vivre ce message. Un lieu où le pardon et l'amour se vivent à plusieurs. L'Église est un avant-goût du Royaume. Non qu'elle soit protégée du monde et de ses tentations, non que ses membres soient entièrement libérés du péché. Mais elle essaie de vivre les valeurs du Royaume, celles que Jésus est venu apporter sur la terre et qu'il a vécues lui-même. C'est pour cette raison que Jésus parle de la ville sur la montagne ou de la lampe qui est là pour être vue et éclairer (Matthieu 5.14-16). C'est à l'amour que les chrétiens auront les uns pour les autres que le monde saura qu'ils sont les disciples de Jésus (Jean 13.35). Mais c'est aussi grâce à l'amour avec lequel ils pourront s'approcher de beaucoup d'autres que ceux-ci découvriront avec étonnement et émerveillement que ce message contient quelque chose de vraiment nouveau. C'est pour cette raison que l'Église, la communauté des chrétiens, est sans doute le meilleur instrument d'évangélisation. C'est le lieu où des gens simplement intéressés et curieux peuvent venir voir "en vrai" ce que cela apporte et change d'être chrétien. Il y a là une grande responsabilité. Mais il faut dire ici ce que nous disions pour le chrétien lui-même. Une Église qui parle, ce n'est pas une communauté qui fait semblant de ne pas avoir de problèmes, de tensions ou de conflits, c'est une communauté qui s'applique à les régler, à les surmonter selon l'Évangile, dans l'amour et le pardon. Alors, parce que les gens peuvent découvrir la force de transformation de l'Évangile, ils peuvent aussi s'ouvrir à lui pour leur propre vie.
Ainsi parole et actes ne peuvent qu'aller ensemble, comme un centre et son contexte. L'essentiel, c'est l'Évangile car il est le message de Dieu aux hommes, mais il ne devient perceptible que lorsqu'il est vécu, dans les balbutiements de notre imperfection, mais, mystérieusement, avec la force de l'Esprit.
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