Rendre grâce nous aussi
Type : Réflexion
Thème : La louange
Source : Croire & Servir
Réf./Date source : 03-2001
Publié sur Lueur le
C'est pour prêcher la grâce que j'avais fini par accepter d'être pasteur, moi pécheur gracié pour qui elle continuait à abonder et, parfois, surabonder. Je savais qu'elle est toujours imméritée, sinon elle ne serait plus la grâce. Je savais qu'elle avait coûté un prix infini, la mort du Fils bien-aimé de Dieu. Je savais que, finalement, tout est grâce et que ma prière devait bien être, avec le cantique: "rien, ô Jésus, que ta grâce"... Je savais! Ou plutôt, je croyais savoir.
Après mon stage pastoral au sortir de la Faculté de Théologie, j'avais été appelé à desservir une petite communauté baptiste dans le Nord. Au cours de ces quelques mois, le mystère de la grâce s'est un peu plus dévoilé pour moi.
Il y avait dans l'Église, un couple de notables âgés. Le mari, un homme de belle prestance, était diacre - c'est ainsi qu'on appelle en général dans les Églises baptistes, les conseillers de l'Église. L'usage de ces Églises est de demander aux diacres qui assistent le pasteur, lors de la sainte Cène, de rendre grâces à Dieu pour le pain et pour la coupe. Les prières de cet homme, à ces moments là, m'ont marqué de façon indélébile. C'était la louange de quelqu'un qui sait avoir été tiré d'un abîme sans fond. C'était l'humble prosternement du plus misérable des pécheurs devant Dieu trois fois saint. C'était comme un chant d'amour répondant à un amour infiniment plus grand. Le tout exprimé avec une émotion tout juste contenue. D'un service de sainte Cène à l'autre, sa prière n'était pas faite de redites; elle était toujours d'une extraordinaire richesse d'expression. Dans les autres rencontres de prières, il était plus classique qu'au moment de la Cène.
Un soir il me narra son histoire. S'il était devenu le patron d'une entreprise prospère, c'était à la suite d'un miracle de la grâce divine. Les premières années de da vie active avaient été, en effet, une succession d'échecs dus à sa passion pour les boissons fortes; il s'enfonçait de plus en plus dans l'ivrognerie, entraînant les siens sur les chemins de la détresse. Et puis un jour, à la suite de je ne sais plus quelle circonstance, le Christ fit irruption dans sa vie. Cette rencontre en bouleversa le cours. Il implora à la fois le pardon et le secours de celui qui avait été crucifié et ressuscité pour lui. La grâce de Dieu fit de lui un homme complètement nouveau.
Lorsqu'il s'approchait de la table de la sainte Cène, c'était vraiment pour lui celle de "la bonne grâce de Dieu", une véritable eucharistie. Il se souvenait alors, avec une grande intensité du prix de la grâce qui lui avait été faite. Et voici que lui, pour qui cette grâce avait tellement abondé, voici qu'à son tour il rendait grâces à son Seigneur. Ce n'était pas un dû qu'il lui apportait; les cieux des cieux n'y suffiraient pas. C'était l'élan d'un coeur débordant d'amour...
La grâce de Dieu et l'action de grâce du croyant sont, en effet, infiniment plus qu'une sorte d'échange: je remets ta dette et tu me remercies! La grâce ne peut pas être ainsi enfermée. Bien-sûr elle englobe et le pardon et la reconnaissance; l'un et l'autre n'en sont toutefois que le commencement. Elle est faite aussi de bienveillance, de bonté, de joie; elle est faite par dessus tout d'amour; d'un amour sans frontière aucune. S'il est vrai que l'Israélite devait se souvenir qu'il avait été esclave en Égypte (Dt 5.15), le message de l'Évangile de la grâce, lui, va au delà; il nous presse de nous souvenir, plus que de notre péché et de notre déchéance, de Jésus-Christ ressuscité (2 Tm 2.8). Il est le lieu de rencontre entre Dieu et l'homme, celui en qui et par qui le croyant "se perd" en Dieu. L'apôtre Paul exprimait cette grâce en disant: "ce qui n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi" (Ga 2.20).
L'action de grâce, qui est le corollaire de la grâce divine, va au-delà de la louange pour ce que le Seigneur a fait pour moi; elle me conduit à le louer pour ce qu'il est, lui, , sans référence à ce que je suis, à célébrer son nom, à l'adorer parce qu'il est Seigneur et Dieu. C'est bien ce que, à sa manière, mon vieil ami vivait.
Mais comme nous sommes habiles à dresser des frontières à la grâce! Et non seulement la frontière de l'incrédulité tenace qui fait que l'on s'exclut du salut que le Christ a apporté, mais aussi de toutes ces petite incrédulités qui nous conduisent à penser qu'elle est parfois insuffisante cette grâce, ou qu'elle est trop tardive ou trop discrète... Combien nous avons à faire nôtre la prière de ce père dont parle l'Évangile: "Seigneur, je crois, mais aide moi car j'ai de la peine à croire!" (Mc 5.24).
Il nous reste cependant l'annonce exaltante du jour où "au nom de Jésus, tout genou fléchira dans les cieux, sur la terre et sous la terre; toute langue confessera que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père" (Ep 2.16-17).
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