La souffrance à travers la Bible
Type : Enseignement
Thème : La souffrance
Source : Aimer & Servir
Réf./Date source : 118
Publié sur Lueur le
La souffrance tient une place considérable dans l'Ecriture. Elle est présente dans tous les livres de la Bible. Les récits les plus connus et servant de support à la foi de bien des chrétiens touchent de près ou de loin à la souffrance humaine : Abraham, Caïn, Job, les prophètes, avec un point culminant à Golgotha, sans oublier les souffrances à venir de l'Apocalypse.
Toutefois l'Ecriture ne donne aucune explication rationnelle et définitive de la souffrance. Les livres de la Bible ne permettent pas de dégager sur ce sujet un traité précis et exhaustif. Ils présentent la souffrance telle qu'elle est vécue dans la vie quotidienne par les humains, les renvoyant à leur relation à Dieu.
Si dans le langage actuel, le mot souffrance évoque la douleur physique du malade ou du blessé, dans l'Ecriture, ce mot a une signification beaucoup plus profonde et existentielle. Bien que présente sous toutes ses formes : douleur de l'enfantement (Gn 3.16, Jn 16.4) ; douleur de la maladie (Jb 7.5, Ps 120.4) ; douleur des martyrs (Mt 27.7 et suivants, Ac 5.41). L'accent n'est jamais mis sur la douleur physique mais sur ce qui entoure cette souffrance. Le psalmiste souffre mais le récit décrit l'étrangeté de son comportement. Oh Dieu, ne te dérobe pas ; j'erre çà et là dans mon chagrin et je m'agite à cause de la voix de l'ennemi (Ps 55.1-3).
Le prophète Jérémie s'interroge sur la cause de la souffrance : Pourquoi ma plaie est-elle douloureuse ? Serais-tu pour moi comme une source trompeuse ? (Jr 15.18). Jésus agonise dans la douleur et le texte insiste sur les sacrificateurs qui se moquent et les brigands qui l'injurient (Mt 27.39 et suivants).
La souffrance est liée au mépris, à la calomnie, à l'abandon, à la haine ou à l'endurcissement des hommes. Loin d'être une simple douleur physique, elle a un caractère spirituel: elle est une humiliation devant Dieu, un signe de sa réprobation et de sa colère : Dieu humilie les hommes dans leur coeur par la souffrance. Ils sont amoindris par leur malheur et la souffrance (Ps 107.39). Je dis à Dieu : ne me condamne pas, dis moi pourquoi tu me prends à partie ? (Jb 10.2). Au contraire, dans les épîtres Paul se glorifie de ses infirmités : Dieu m'a mis une écharde dans la chair (2 Co 12.7), C'est pourquoi je me plais dans les outrages, les calamités, les persécutions, les détresses, car quand je suis faible, c'est alors que je suis fort (2 Co 12.10).
C'est bien parce que dans tous ces textes et d'autres encore - tous les récits de la passion - la souffrance a un caractère spirituel que son contraire ne sera pas tant la santé et le bien être que la consolation et la réhabilitation par la grâce de Dieu.
Le sens de la souffrance
Si, dans l'Ecriture, c'est d'abord le sens spirituel et théologique de la souffrance qui nous est révélé, nous sommes alors en droit de nous demander quel est ce sens. N'est-ce pas d'ailleurs la question essentielle que nos contemporains se posent dans l'épreuve : « Mais enfin qu'est-ce que j'ai pu faire au bon Dieu pour souffrir de la sorte ? »« Mais enfin qu'est-ce que j'ai pu faire au bon Dieu pour souffrir de la sorte ? » |
Remarquons tout d'abord que la souffrance dans le livre de la Genèse n'apparaît qu'après la chute : il dit à la femme j'augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur (Gn 3.16). La création originelle est donc bonne, harmonieuse bien ordonnée, libre de toute souffrance. Le monde nouveau, objet de l'espérance de l'ancien comme du nouveau Testament est aussi un monde où la souffrance n'existe pas. Nous lisons dans Esaïe : Les anciennes souffrances seront oubliées... Je ferai de Jérusalem mon allégresse et de mon peuple ma joie ; on n'y entendra plus de bruit de pleurs et de bruit de cris... (Es 65.18-19). L'apôtre Jean, dans l'Apocalypse voit un nouveau ciel et une nouvelle terre où il n'y aura plus mort, ni deuil, ni lamentation, ni douleur. Les choses anciennes auront disparu (Ap 21.1-4).
Autrement dit la souffrance n'est pas une fatalité, elle est liée à la condition de l'homme pécheur. Elle est un des signes du désordre qu'introduit dans la création l'attitude de l'homme. Dans un langage plus théologique, nous dirons qu'elle est la conséquence de la révolte de l'homme contre Dieu. Elle montre l'emprise du péché sur l'homme, nul ne lui échappe. Le péché n'est pas simplement une succession de comportements ou d'actes que l'humain pourrait éviter ou réparer, le péché est un état dans lequel l'homme se trouve et contre lequel il ne peut rien . Il fait partie de la condition humaine et Jésus-Christ, pour entrer dans cette condition humaine, devra lui aussi souffrir (He 2.14-18). La souffrance est inévitable. Et la tentation de l'homme sera de croire que, pouvant arrêter le péché, il va pouvoir arrêter la souffrance. C'est le cri du désespéré : « je n'ai pas tué, je n'ai pas volé, je n'ai pas commis d'adultère... alors pourquoi est-ce que je souffre ? ».
L'Ancien Testament présente les malheurs comme des punitions collectives que Dieu envoie au peuple infidèle . Voir par exemple les deux premiers chapitres du livre d'Amos. Les prophètes interprètent l'histoire d'Israël et des nations en ce sens. Mais pour eux la punition douloureuse garde la valeur d'un appel à la repentance. Ce n'est pas une vengeance divine, c'est une invitation au changement.
Dans le Deutéronome (Dt 28), dans certains Psaumes (Ps 49, Ps 52), dans les Proverbes, la souffrance apparaît comme une punition définitive réservée aux méchants. Dans le bas judaïsme et dans l'eschatologie du Nouveau Testament, elle est devenue une punition définitive après la mort sous la figure du lieu de tourment qu'est l'enfer (Lc 16.24, Ap 20.10).
Mais, inversement, dans le livre de Job, l'auteur s'élève contre cette idée que l'homme souffre en fonction de ses péchés. La justice divine n'est pas liée aux mérites humains. En réponse à ses amis défendant cette thèse, Job clame son innocence. Pour lui, la justice de Dieu est bien au dessus de tous nos doutes et reste mystérieuse jusqu'au jour où notre âme comprendra. Le livre des Lamentations fait entendre une note analogue : Il faut savoir écouter le silence de Dieu (Lm 3.26).
L'enseignement de Jésus prolonge la découverte de Job. Certains iront jusqu'à dire que Job, par ses souffrances préfigure la vie de Jésus, le serviteur souffrant. Le Fils de l'homme ne discute pas l'origine de la souffrance. Ses réponses sont souveraines : C'est un ennemi qui a fait cela (Matthieu 13/28) ou encore : Ce n'est pas la volonté de mon Père (Mt 18.14). Dans les réponses de Jésus la justice de Dieu apparaît comme bonne et si elle s'exerçait à notre égard, quel serait notre sort ? Ceux sur qui est tombée la tour de Siloé ne sont pas plus pécheurs que les autres, tout comme les parents de l'aveugle né.
Ce n'est pas par hasard que nous souffrons |
Pour le disciple du Christ, l'affliction vient de l'opposition entre l'idéal auquel il s'efforce de se conformer et la réalité du monde. En voulant servir son maître, il se heurte à l'opposition des hommes (Mt 24.9). N'est-ce pas pour la même raison que Jésus a été dans la douleur ? Il vit pleinement le projet de Dieu pour l'homme. C'est insupportable aux hommes qui veulent un Dieu et non quelqu'un qui leur révèle la plénitude de l'humanité. Jésus ne souffre pas comme un héros ou comme un martyr ; il souffre parce qu'il ose aller jusqu'aux limites de l'humain ; il ne refuse pas ces limites puisqu'elles lui ont été demandées par son père. Lui le Fils de l'Homme se comporte en Fils de Dieu.
Ceux qui, aujourd'hui, sous prétexte de regarder aux hommes, refusent le Christ font fausse route car, qui, d'autre que Jésus, est allé jusqu'au bout de son humanité ? Et ceux qui, aujourd'hui, sous prétexte de sainteté voudraient regarder à Dieu et à Dieu seul, font aussi fausse route car la passion de Dieu c'est l'homme dans son humanité totale, toujours visée, jamais atteinte. De nos jours, dans un souci de rendre gloire à Dieu - quel que soit son nom -, beaucoup font périr l'homme. C'est un double chemin de folie puisque, détruisant l'humanité, ils s'éloignent à tout jamais de Dieu.
L'apôtre Paul ira jusqu'à dire que l'homme participe à la souffrance du Christ et que nous souffrons parce que nous sommes cohéritiers de Christ. C'est le chemin qui a été tracé.
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