Comprendre les dérèglements nutritionnels
8. La décision de changer
Type : Dossier
Thème : Santé & Psychologie
Source : Aimer & Servir
Réf./Date source : 107-109
Publié sur Lueur le
- Comprendre les dérèglements nutritionnels
- L'anorexie : causes et effets
- La boulimie : causes et effets
- L'obsession de manger ou la compulsion alimentaire
- Le contexte familial
- Relations entre troubles du comportement alimentaire et sexualité
- Témoignage de Helena WILKINSON
- La décision de changer
- Le processus de guérison
"Il te demandait la vie, tu la lui as donnée, Une vie longue pour toujours et à perpétuité". (Psaume 21/4). Lorsqu'on souffre de troubles du comportement alimentaire, on n'a pas la vie ; on existe simplement, on survit plus ou moins bien. Mais ce que Dieu a fait dans ma vie; il peut le faire dans chacune des vies. Il veut nous donner la plénitude de Sa vie.
Combien d'entre vous pensez qu'on ne peut en fait, être guérie totalement, à 100 % d'un trouble du comportement alimentaire ? Lorsque j'ai posé cette question en Angleterre, la moitié de l'assistance a levé la main. Il y a souvent une attitude négative face à la guérison. De nombreuses personnes, et parmi elles des médecins, pensent ainsi ; elles disent : "Il faut apprendre à vivre avec..."
De nombreux malades ne guérissent pas parce qu'on ne les comprend pas pleinement ; ils ne reçoivent pas d'aide. Il y a deux ans j'ai assisté à l'enterrement d'une jeune fille anorexique. Elle était intelligente, douée, sensible. Elle ne voulait pas mourir. Après sa mort, sa mère m'a permis de lire son journal intime. Elle écrivait : "Je suis absolument terrifiée, je suis désespérée, je ne sais pas comment m'en sortir. Je veux guérir mais personne ne semble comprendre. Mon corps est en train de mourir, et j'ai une peur affreuse..." Elle se trouvait alors dans une clinique privée ; et comme les finances manquaient pour poursuivre le traitement, elle a dû sortir pour être hospitalisée ailleurs. Il devait s'écouler deux semaines entre les deux hospitalisations, mais ces deux semaines en sont devenues cinq, et elle a perdu encore beaucoup de poids. Puis elle a été hospitalisée en urgence, et sous prétexte qu'on attendait l'admission dans le deuxième établissement, aucun bilan n'a été effectué. La nuit même, elle est tombée dans le coma, et est décédée. Le comble, c'est qu'elle était à l'hôpital, dans un service bien connu et spécialisé dans ce genre d'affection.
Cette jeune fille n'aurait jamais dû mourir. Si elle avait été comprise, si on l'avait traitée avec amour, douceur et sollicitude, si on lui avait donné de l'espoir pour l'avenir, elle serait vivante aujourd'hui. Il est admis que moins de 50 % de ces patients guérissent, je crois pour ma part que 100 % devraient guérir.
Changements chez le malade
Avant qu'un malade puisse changer, il doit considérer les avantages et les inconvénients liés à son trouble du comportement alimentaire. S'il pense qu'il y a encore beaucoup d'avantages, le changement sera très difficile pour lui. C'est uniquement lui même qui peut décider du moment où il est prêt au changement.
La guérison commence le jour où il admet qu'il a un problème, et qu'il le reconnaît honnêtement face à lui-même et à une autre personne.
Mais aller mieux lui fait peur ; c'est là un fait incompréhensible pour beaucoup. Un malade du cancer désire ardemment guérir ; mais chez l'anorexique, une partie de lui-même veut guérir, et une autre, non. La question qu'il se pose est celle ci :"Comment vais je assumer ma vie sans ce trouble du comportement alimentaire ?" C'était son bouclier, sa consolation, son dieu, sa protection contre la sexualité, sa solitude, sa forme d'identité même. C'était parfois son ennemi ; mais le plus souvent, c'était son ami. A quoi va t il penser maintenant, s'il ne peut plus penser à la nourriture ?
Une des choses les plus dures à admettre pour un anorexique, c'est que guérir signifie prendre du poids. Rappelons nous que perdre du poids lui donnait un sentiment d'euphorie, alors que maintenant elle se dit : "Si je mange, et que je mange encore, je vais grossir de plus en plus, je risque d'éclater !" A l'inverse, le mangeur compulsif se dira que s'il maigrit, il sera sans défense... Ce patient ne peut pas jouir de la nourriture avant de jouir de la vie. C'est à ce niveau là que se situe le problème.
La guérison fait peur car elle semble tellement inaccessible. A ce niveau, il faut comprendre qu'il s'agit d'un processus très progressif, et se fixer des objectifs limités. Pour une jeune femme qui a souffert d'anorexie pendant 15 ans, mettre simplement un peu de lait dans son café peut représenter un progrès immense ! Le patient doit déterminer le rythme de sa guérison.
Aides extérieures
L'attitude négative du patient peut être causée par les expériences passées ; il a demandé de l'aide et l'entourage n'a pas compris. Lors d'un récent séminaire en Angleterre, une femme a raconté qu'ayant souffert elle même d'anorexie elle avait actuellement une fille dans la même situation. Le poids de cette jeune fille baissait de plus en plus, mais elle refusait absolument toute aide. Vue de l'extérieur, elle semblait vraiment incapable de vivre. Mais voici ce qui se cachait derrière ce comportement : à l'âge de 9 ans, elle traversait un jour la rue avec sa soeur. Celle ci était restée en arrière ; elle l'appela, et à ce moment, une voiture survint et l'écrasa sous ses yeux. Elle n'avait jamais fait le deuil de cette soeur, et quelques années plus tard, elle était devenue anorexique. Lorsqu'on l'avait hospitalisée, personne ne lui avait demandé pourquoi elle l'était devenue, ni ne lui avait proposé de l'aide dans ce domaine. On l'avait simplement forcée à manger. Voilà la raison de sa peur d'une aide extérieure.
Cependant, même si elle avait trouvé de l'aide, elle aurait encore éprouvé des sentiments mitigés face à la guérison. Lorsqu'on propose du gâteau à un anorexique, il dit : "non, je n'en veux pas"; il agit de même face à ses sentiments propres, son thérapeute ou toute personne qui lui offre de l'aide. Les troubles du comportement alimentaire affectent la personne tout entière.
Diverses réactions défensives entrent en jeu dans la relation d'aide. L'anorexique, ayant besoin de peu de nourriture, se dira qu'il a également besoin de peu d'aide. Comme il veut plaire, il aura peut être peur de décevoir son conseiller éventuel.
Le boulimique, lui, peut penser tour à tour qu'il a besoin d'aide, puis qu'il n'en a pas besoin. Son affection consiste à prendre, puis à se débarrasser; il réagit de la même manière face à son thérapeute: "J'ai besoin de votre aide, mais vous ne pouvez pas m'aider": Toute la manière de réagir de la personne doit être prise en compte ; si on ne s'attaque qu'au domaine alimentaire, on ne réglera pas le problème. Il se peut qu'une autre dépendance s'installe alors; ceci arrive souvent lors d'hospitalisation d'anorexiques par exemple ; si le traitement consiste à les nourrir jusqu'à ce qu'ils atteignent un certain poids, ils risquent de devenir boulimiques.
Le mangeur compulsif, lui, a peut être, à l'inverse, le sentiment de souhaiter plus d'aide qu'il n'en reçoit effectivement; n'oublions pas qu'il a toujours faim : de nourriture, d'affection, donc également d'aide. Rien de ce qu'il absorbe n'est suffisant, il a toujours faim.
Changements dans la famille
Certaines interactions entre le patient et sa famille ont peut être aggravé le trouble du comportement alimentaire. La décision de changer suppose que le patient modifie la perception qu'il ou elle a de ses parents et inversement.
Une aide possible consiste à fixer des limites ; par exemple, des moments où l'on va parler du comportement alimentaire du patient ; sinon ce dernier peut donner l'impression d'envahir la vie entière. Si vous étiez anorexique, et qu'à table, vous mettiez vos deux petits pois sur votre fourchette, vous sentiriez, au moment de les porter à votre bouche, l'impression désagréable que huit paires d'yeux vous fixent. Afin d'éviter que, pour les parents, le trouble du comportement alimentaire donne l'impression d'envahir la famille, il faut définir un espace temporel où l'on parlera de ce problème, et en dehors duquel la vie se déroulera normalement.
Il est important de pouvoir exprimer librement ses sentiments : les membres de la famille se doivent l'honnêteté les uns vis à vis des autres. Quelqu'un a dit : "L'amour sans honnêteté est du sentimentalisme, mais l'honnêteté sans amour est de la brutalité". Il faut certes, de l'honnêteté, mais dans l'amour.
Un pas important pour le malade consistera à décider de ne plus exiger, ni de manipuler les autres, ni de s'attendre à ce que les autres lisent ses pensées, mais d'apprendre à demander. Ceci est un changement de mode de communication : au lieu de s'exprimer par le biais de son trouble du comportement alimentaire, il va apprendre à utiliser d'autres voies : comment communiquer oralement, exprimer ce qu'il ressent de cette manière ; et ceci en étant pleinement conscient qu'il a "le droit" de le faire. Le malade sera également amené à se charger des responsabilités qui lui incombent de même que ses parents.
Lorsque des parents me demandent : "que puis je faire pour aide mon enfant ?"; je leur réponds
"Comprenez premièrement de quo. il s'agit. Essayez de vous mettra dans sa peau, de voir à travers ses yeux ce que peut être l'anorexie... Si vous comprenez mieux ce qu'il ressent vraiment, vous pourrez mieux l'aider":
Il n'y a pas de progrès envisageable si les parents nient le problème, ou s'ils le situent entièrement chez le malade. Ce dernier a surtout besoin d'être encouragé, aimé, et souvent, ce qu'il reçoit, c'est au contraire, de la frustration. Les gens ont envie de le prendre par les épaules et de le secouer en lui disant : "Écoute moi bien ! Tu vas te ressaisir ?" Il faut veiller tout particulièrement à ne pas le punir pour sa maladie. Une grande partie de son irritabilité et de son égoïsme, proviennent du fait qu'il est tout simplement affamé. Les parents se doivent d'être fermes avec lui, mais de l'aimer en même temps, et ce, de façon cohérente. C'est valable également pour le thérapeute : qu'il établisse clairement les limites, mais qu'il exprime également une grande compassion pour le patient : or, souvent, une seule des deux attitudes est choisie.Les parents devraient essayer de parler à leur enfant plutôt que de parler de lui ; de l'encourager à s'exprimer de manière personnelle, et surtout de ne pas prendre la parole à sa place! Notre désir de protéger l'autre a souvent plus à voir avec notre propre protection contre la souffrance !
Changements chez le conjoint
Le patient, ainsi que sa famille, doit envisager aussi un changement, et, s'il est marié, cela concerne aussi son conjoint. En fait, il n'est pas rare que des patients choisissent un conjoint souffrant de difficultés du même ordre. Un médecin anglais qui a étudié le cas de six jeunes femmes anorexiques a découvert que quatre de leurs conjoints souffraient l'un de dépression aboulique (passivité), les autres de psychopathie, de psychose et de toxicomanie. Il est facile d'épouser quelqu'un qui éprouve le même type de difficultés non résolues que soi même.
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