Regards chrétiens sur l'Islam
Type : Dossier
Thème : Religions et Croyances
Source : Construire Ensemble
Publié sur Lueur le
- Regards chrétiens sur l'Islam
- Obstacles au témoignage
- Quatres principes de témoignage aux musulmans
- Pour mieux connaître, il faut apprendre!
- Foi et pratiques musulmanes (et bibliographie)
En ouvrant un dossier sur l'islam, nous sommes conscients que tous les aspects du débat ne pourront être pris en compte en quelques pages. Il nous faut donc, d'entrée, préciser les objectifs que nous visons ici. Dans le contexte de notre société actuelle, il nous semble important d'amener les membres de nos Eglises à réfléchir sur les motivations, à agir sur les relations et, en conséquence, à affiner le témoignage qu'ils sont appelés à rendre auprès des musulmans.
Avec plus de quatre millions de croyants en France et vingt millions en Europe, l'islam est une réalité dans nos sociétés qui ne peut nous échapper. Ajoutons aux chiffres la place que l'islam occupe sur la scène internationale. Certains s'étonnent devant cette présence comme si elle était apparue soudainement ; il est vrai qu'elle est d'implantation récente ici comme en Europe en général. L'étonnement va cependant souvent de pair avec une certaine irritation voire une mise en question de sa légitimité. Les arguments vont alors bon train : les musulmans sont des étrangers, l'islam n'est pas compatible avec la tradition (certains diront chrétienne, d'autres laïque) de notre pays, l'islam est dangereux car il contient des enseignements extrémistes qui conduisent, ailleurs, aux régimes les plus dictatoriaux de notre temps...
On peut en effet aussi s'étonner qu'une religion qui touche 7% de la population ait tant de mal a être reconnue. Il est souvent très difficile aux musulmans d'obtenir des lieux de culte décents et permanents ; les médias ne retiennent souvent de l'islam que ce qui peut faire peur et inquiéter ; les musulmans, eux mêmes, ont souvent l'impression d'être gérés d'une manière policière et non cultuelle...
En tant que chrétien, il nous faut reconnaître qu'une telle situation nous interpelle.
Le 6 novembre dernier, la Conférence des évêques de France a voté un texte qui devrait faire date dans l'histoire de cette Eglise1 . Ce texte est loin d'être une production de doux rêveurs. Pour avoir moi même participé aux travaux préparatoires en tant qu'invité2, je peux attester de la volonté et de la réalité d'une rencontre effective sur le terrain.
Le texte ne cache pas les difficultés rencontrées tant avec les membres des Eglises qu'avec certains interlocuteurs musulmans ; il y est constaté que "certains chrétiens y voient un abandon de la vérité et de la mission dans une attitude ressentie comme trop bienveillante à l'égard d'une religion longtemps considérée comme hostile" et que "souvent aussi, le découragement survient devant ce qui peut apparaître comme une absence de réciprocité, des malentendus, voire même l'impression d'être "utilisés" pour obtenir des résultats qui ne concernent que de loin le domaine spirituel". Tout en restant attentifs à ces remarques, les évêques de France ont pris position pour un islam français qui doit se définir lui même et à qui l'on doit reconnaître la place qui lui est due dans notre société.
Le protestantisme n'est pas en reste : c'est en effet en 1971 que la Fédération Protestante de France a mis sur pied sa Commission Eglise-Islam. Dès le départ, ce groupe de travail s'est voulu à l'écoute du monde musulman, plus particulièrement des musulmans vivant en France, souhaitant susciter dans nos communautés protestantes ouverture et accueil à leur égard, dans un total respect de leur identité et de leur quête de justice et de vérité. Les musulmans ont en général apprécié cette attitude. La commission se rend toutefois compte de l'énorme besoin d'information et de formation au niveau des Eglises locales ; un matériel de formation a été développé sous la forme d'une série de brochures, intitulée Connaître l'islam3.
Si les protestants français, de par leur expérience d'Eglises minoritaires ayant eu à défendre leur droit elles aussi, comprennent en général les revendications des musulmans, ils n'en sont pas moins divisés quand il s'agit d'aborder le thème du dialogue ou du témoignage. Un colloque a d'ailleurs pu être organisé en 1994 sur la question et toutes les voix ont pu s'exprimer4. En simplifiant, certes mais pour plus de clarté, on peut parler de deux grands types d'attitude qui se complètent au risque aussi de s'opposer ; il y a la position "évangélique" qui rappelle aux Eglises leur devoir d'évangélisation et il y a la position "libérale" qui rappelle aux Eglises leur devoir de tolérance. Entre ces deux pôles et à leurs extrémités s'est développé un large éventail de positions qui va du fondamentalisme pur et dur au pluralisme tous azimuts.
Les extrêmes vont certainement s'opposer mais en général chacun est conscient de la complémentarité des deux attitudes ; on ne peut honnêtement pas annoncer l'Evangile sans s'intéresser à la culture donc à la religion des personnes auxquelles on s'adresse. De là naît un désir de compréhension, d'écoute, de dialogue et de partage ; mais en même temps, on ne peut vider l'Evangile de sa substance, à savoir la foi et la personne du Christ, vrai homme, vrai Dieu. L'approche des autres religions et en particulier de l'islam nous invite justement à mieux comprendre le sens de notre appartenance à ce Christ qui a abandonné tout ce qu'il avait par amour pour nous ; nous sommes invités à prendre notre croix et à le suivre !
C'est ce que la Commission a voulu exprimer dans le document qu'elle a préparé à l'intention de toutes les Eglises et qui dit notamment dans la conclusion : "Notre rencontre avec les musulmans nous accule donc parfois à l'incapacité de partager pleinement notre foi avec eux. Nous nous heurtons ici à ce que le Nouveau Testament nomme lui-même "scandale" ou "pierre d'achoppement" : le mystère de la croix, d'un Dieu qui accepte de se laisser crucifier avec Jésus, afin que nous acceptions de nous identifier à sa propre mort pour renaître dans la puissance de l'Esprit à une vie nouvelle"5.
Ces quelques pages prennent donc le parti de défendre une approche objective et sérieuse de personnes qui sont souvent très croyantes et qui désirent collaborer à l'édification de notre société. En tant que croyants engagés, nous avons, nous-mêmes un message à défendre et à faire connaître. Ce message est fondé sur le respect et l'amour de Dieu et du prochain ; sur le plan théologique, il s'opposera parfois au message de l'islam. Vouloir imposer ce message, de quelque manière que ce soit, nous paraît toutefois être en contradiction avec notre foi.
C'est plus à nos rapports avec les musulmans que nous serons jugés. Avons-nous invité des voisins musulmans à entrer chez nous ? Sommes nous déjà entrés dans une mosquée, même quand c'est une cave d'immeuble sombre et insalubre ? Sommes nous prêts à défendre les droits des musulmans? Nous espérons que notre approche vous y encouragera.
1 Catholiques et Musulmans : une chemin de dialogue. Ce texte peut être demandé au Secrétariat pour les relations avec l'islam (S.R.I.), 71 rue de Grenelle 75 007 Paris. En plus du texte, le S.R.I. a rédigé une série de vingt fiches dites pastorales pour entrer dans le concret de la vie quotidienne.
2 En tant que président de la Commission Eglise-Islam de la Fédération Protestante de France.
3 La série de dix brochures coûte 20 francs et peut être commandée à la Fédération Protestante de France, 47 rue de Clichy, 75 009 Paris.
4 Les actes de ce colloque peuvent être commandés à la Fédération Protestante, op. cit. ; ils ont été publiés sous le titre Musulman, mon prochain
5 Enjeux du dialogue avec les juifs et les musulmans, éléments de réflexion proposés aux membres de la Fédération Protestante de France (adopté par le conseil de la FPF du 8 janvier 1996)
6 Jean-Pierre Dassonville est membre de la commission Eglise-Islam depuis 1981 et en est président depuis 1996.
Commentaires (2)
il ne faut pas regarder le situation actuel qui se deroule dans la monde pour comparaitre à l islam. moi je vois l islam est une religion de paix ce pourquoi elle gagne le terrain!
Jésus a dit:"Je vous laisse la paix,je vous donne ma paix. Je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre coeur ne se trouble point et ne s'alarme point"(Jean 14,27).On nous dit que l'Islam est une religion de paix.La question la voici: quelle genre de paix Islam donne?