Réincarnation ou résurrection ?
5. Quand un moine bouddhiste devient chrétien...
Type : Dossier
Thème : Religions et Croyances
Source : Construire Ensemble
Réf./Date source : 2001
Publié sur Lueur le
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Dans cet entretien paru pour la première fois dans la Revue Réformée n°156 (1988/4), Christian Rouvière explique la notion de réincarnation dans l'hindouisme, son origine et son influence en Occident. Il indique certaines de ses contradictions internes et le contraste avec la doctrine chrétienne.
Publié dans Construire Ensemble avec l'aimable autorisation de l'éditeur et de l'auteur.
Christian Rouvière est pasteur de l'Église Protestante Unie de Belgique à Courcelles.
Christian Rouvière, vous donnez un cours sur les religions comparées à Aix-en-Provence, est-ce que la réincarnation occupe une grande place dans vos cours ?
Certainement, la réincarnation occupe une place privilégiée dans le cours d'histoire des religions que je dispense, parce que c'est une des notions centrales de l'étude des religions asiatiques, telle que nous la pratiquons. C'est aussi un thème sur lequel j'ai réfléchi à titre personnel, parce que j'ai été moine dans le bouddhisme tibétain pendant six ans et, par conséquent, lors de ma conversion au christianisme, j'ai été conduit à mener une réflexion en profondeur sur cette doctrine.
Comment définir de façon précise la réincarnation ?
Elle consiste en ce qu'un individu récolte, au cours d'une série de vies successives, les fruits de ses actes. Plus techniquement et plus concrètement, la notion de samsara, de transmigration, est liée étroitement à la notion de karman. Ceci signifie, en sanscrit classique, « acte, travail, action ». Et, à la période brahmanique, le terme en est venu à désigner le résultat des actes accomplis dans les existences antérieures. Dans cette vie-ci, j'accomplis un grand nombre d'actions. Chacune produit ses fruits, entraîne certaines conséquences, qui seront positives ou négatives, suivant une loi de cause à effet. Le problème de la réincarnation apparaît en ceci : dans cette vie, je ne récolte que les fruits d'un nombre grand, mais néanmoins limité, d'actions accomplies dans une existence antérieure. Il demeure donc, à ma mort, un certain nombre d'actes n'ayant pas encore porté de fruit. Le terme karman désigne, très précisément, le résidu d'actes n'ayant pas encore manifesté leurs conséquences.
Quelle est la signification métaphysique de cette doctrine ?
Selon la conception générale de l'hindouisme, l'homme est, en quelque sorte, prisonnier du samsara, le cycle des existences qui se répètent indéfiniment. C'est dire que le système brahmanique et, après lui, le système bouddhique, des réincarnations implique une vision pessimiste de l'existence. L'homme est condamné à une ronde sans fin de morts et de renaissances. Le samsara est, pour utiliser une formule un peu lapidaire, une prison à perpétuité. Se suicider, dans cette perspective, ne sert à rien pour trouver la paix, puisque l'individu reviendra sous l'effet de cette contrainte inéluctable du karman.
La réincarnation est-elle, alors, un système de salut par les oeuvres ?
Je dirai que non, parce que dans l'hindouisme classique le salut, la libération (moksha), se fait en dépit des oeuvres et des actions, malgré les oeuvres. Tout le message de la Bhagavad-Gita est de renoncer au fruit de l'action ; ce qui est en cause est, en effet, d'annuler le karman et de s'en libérer.
Comment atteint-on à cette libération ?
La libération consiste en la dissolution de l'individu dans l'Absolu indifférencié. On emploie une image dans la littérature sanscrite. On dit que la dissolution dans l'Absolu est comparable à une poupée de sel qui serait plongée dans l'océan. Évidemment la poupée va se dissoudre, avec cette caractéristique particulière qu'elle et l'océan ont la même nature. Tous deux sont faits de sel. La libération est donc le fait d'annihiler la personnalité, l'« ego » personnel, dans l'Ultime. Ainsi on met un terme à la transmigration et cela correspond à la fin de tout karman. On parlera donc de jivan-mukta (libéré vivant) à propos de tout être humain qui parvient à se dissoudre dans l'Absolu.
Quels sont les problèmes particuliers de cohérence interne, liés à la doctrine de la transmigration ?
On peut poser deux questions fondamentales. Premièrement, la question du mécanisme de la réincarnation. Qu'est-ce qui produit et conditionne le processus de la transmigration ? Nous avons vu que la théorie du karman a pour ambition de répondre à cette question : on nous dit que la qualité de chaque réincarnation est conditionnée par la valeur des actes dans une vie précédente. Sur ce point, l'hindouisme, le bouddhisme et le jaïnisme s'accordent à peu près. Il y a pourtant des exceptions qui constituent problème. En effet, pour certaines écoles antiques, seul le hasard conditionne la renaissance et la valeur morale des actes n'intervient à aucun moment. Selon d'autres écoles, les écoles de brahmanes, c'est uniquement l'accomplissement exact de tous les rituels qui peut déterminer le bonheur dans la vie future et non pas la valeur morale des actions ordinaires. Au niveau du mécanisme de la réincarnation, il y a déjà à l'intérieur même de l'hindouisme des divergences.
La deuxième question est : quel est l'élément stable qui transmigre d'un corps à l'autre et qui assure la continuité dans la série infinie des réincarnations ? Sur ce point il n'y a aucune unanimité. Tout d'abord, pour les Upanishads, le Brahmanisme et son prolongement, l'hindouisme, c'est l'atman, le Soi qui transmigre. Pour le védisme, le stade antérieur, la question ne se pose même pas. Le bouddhisme, quant à lui, en vertu de la doctrine du non-soi (anatta), est obligé de nier l'existence d'un élément stable qui transmigrerait. La question qui se pose est donc : Si le Soi est une illusion, qu'est-ce qui se réincarne ? Comment peut-on encore parler de réincarnation ? Certaines écoles bouddhiques, conscientes du problème, ont été obligées d'admettre l'existence d'un tel support stable (pudgala) qui, non seulement se réincarnerait, mais subsisterait jusque dans la béatitude absolue du nirvana. Ces écoles dissidentes sont rejetées et constituent une hérésie pour le bouddhisme.
Étiez-vous conscient de ces problèmes avant de devenir chrétien ?
Lorsque j'étais moine bouddhiste, c'est la prise de conscience de ce problème précis qui m'a fait commencer à perdre la foi en les enseignements du bouddhisme. Si la doctrine du samsara et de la transmigration est fausse, c'est tout le bouddhisme et l'hindouisme qui s'effondrent sur eux-mêmes dans leur cohérence interne, un peu à la manière d'un château de cartes...
On parle beaucoup de dialogue entre religions, de la recherche commune d'une spiritualité pour l'homme moderne, d'un enrichissement spirituel mutuel... Qu'en pensez-vous ?
Mon attitude serait plutôt celle de la mission chrétienne envers les peuples de l'Orient pour leur apporter le Christ. L'hindouisme est une religion assimilatrice. Il faut savoir qu'il y a certains hindous qui ont choisi comme manifestation ou forme de la divinité (ishta-devata) le Christ et qui rendent un culte exclusif au Christ. Bien entendu, le Christ est conçu, dans cette approche, comme un des avatars, une des incarnations multiples de l'Absolu. Le Divin est « descendu » en Christ, tout comme en Krishna, en Rama, ou en Bouddha.
En tant que chrétiens, nous devons nous opposer à toute tentative de nivellement spirituel. Nous ne pouvons croire que toutes les religions mènent au même but. Ce n'est pas vrai. Jésus-Christ est le seul Seigneur. Le salut ne se trouve en aucun autre nom.
Pour conclure, je voudrais citer une magnifique pensée de Paul Evdokimov qui dit : « les religions sont les routes par lesquelles l'homme cherche Dieu. Elles sont multiples. Le christianisme est le chemin par lequel Dieu trouve l'homme. Il est unique. »
Commentaires (1)
je ne comprends pas. Pourquoi le titre parle d'un moine bouddhiste alors que le texte parle de son expérience dans l'hindouisme.
D'ou vient cette confusion ?