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Réincarnation ou résurrection ?
8. Résurrection - réincarnation : ils s’en font tout un film !

Auteur :
Type : Dossier
Thème : Religions et Croyances
Source : Construire Ensemble
Réf./Date source : 2001  
Publié sur Lueur le
Sommaire du dossier :
  1. Réincarnation ou résurrection ?
  2. Je crois... la résurrection du corps
  3. Les attraits de la réincarnation
  4. Des chiffres surprenants
  5. Quand un moine bouddhiste devient chrétien...
  6. La résurrection : réflexions à partir de 1 Corinthiens 15
  7. Résurrection - réincarnation : ils s’en font tout un film !

Deux films récents illustrent assez bien le thème de la résurrection et de la réincarnation. Bien sûr ils ne traitent pas le sujet en tant que tel. Disons plutôt que nous discernons dans ces films deux visions différentes qui sous-tendent la philosophie de la vie, ou plutôt de la mort. Il s'agit de « Dans la peau de John Malkovich » et de « Sixième sens ». Sortis sur les écrans français à peu près à la même période, ils ont en commun un rebondissement final inattendu qui est tout à fait dans l'air du temps. Après le scientisme à outrance du monde moderne, ils laissent entendre que la résurrection ou la réincarnation redeviennent deux réponses possibles à la mort.

« Dans la peau de John Malkovich », film de Spike Jonze, est sorti en France le mercredi 8 décembre 1999. Il nous raconte l'histoire d'un marionnettiste marié, au chômage, qui trouve un emploi d'archiviste à défaut d'autre chose. Derrière une armoire à dossiers il découvre un passage secret (une petite porte comme dans Alice au pays des merveilles) qui le mène dans la peau de l'acteur John Malkovich. Avec le temps notre marionnettiste arrive à manipuler de l'intérieur l'acteur, au point d'élire domicile dans ce nouveau corps. Au cours du film on découvre que le patron qui a embauché le marionnettiste est bien plus vieux que son âge. En fait, avec d'autres, ils vivent au travers de corps successifs quand l'âge les rattrape. John Malkovich est leur prochaine destination, mais celui-ci est squatté par le marionnettiste. Le fameux passage secret leur permet de « s'incarner » dans ce qu'ils appellent « un vaisseau » dont ils prennent le contrôle. Nous sommes au coeur de la dynamique du comédien qui incarne son personnage. Celui qui fait un mauvais usage de ce passage se voit condamné à être (ré)incarné dans un bébé qui va naître. Mais là, la personne ne peut avoir aucun contrôle sur ce nouveau-né. Elle est condamnée à vivre à travers la vie d'un autre sans que cet autre soit au courant de cette vie antérieure en lui. C'est ce qui arrivera au marionnettiste à la fin du film.

Ce film joue sur le registre de la réincarnation. Si bien qu'un critique pouvait écrire : « La grande idée de ce film ovni, qui apporte ... de l'eau au moulin des tenants de la théorie de la réincarnation, c'est que l'âme survit au corps, ce dernier étant vu comme un simple véhicule, un objet encombrant dont il convient de s'affranchir afin de se réaliser. » (1). Ce que l'on se demande surtout en sortant du film, c'est s'il n'y a pas en nous une autre vie dont nous n'avons aucune conscience.

L'autre film est donc celui de Manoj Night Shyamalan, « Le sixième sens » (2) sorti en France le 5 janvier 2000. C'est l'histoire d'un psychologue pour enfant, le docteur Crowe (3) (Bruce Willis, habitué jusque-là à incarner les rédempteurs du monde, voire de l'univers qui avait la fâcheuse habitude de ne jamais mourir). Un de ses anciens patients devenu adulte lui tire dessus avant de se suicider. On retrouve Willis plus tard, sa vie semble avoir pris un mauvais chemin depuis cet accident. Il ne s'entend apparemment plus très bien avec son épouse. Il s'occupe à présent d'un garçon de huit ans dont les problèmes lui rappellent ceux de celui qui lui a tiré dessus. C'est comme une seconde chance pour lui. Cet enfant a un terrible secret, un sixième sens qui lui permet de voir ceux qui sont morts. Il a peur ! Le docteur arrivera à aider l'enfant à surmonter cette peur et à profiter de ce sixième sens pour communiquer avec ces morts, et les aider. À la fin du film il s'avère que le docteur lui-même était un mort qui s'ignorait. L'enfant qu'il a aidé l'a aussi aidé à accepter son état. Le docteur va pouvoir partir après avoir dit au revoir (à défaut d'à Dieu) à son épouse qu'il hantait jusque-là. Elle pourra se réveiller pour vivre une nouvelle vie.

Il nous semble, bien que ce soit moins évident, que ce deuxième film joue sur le registre de la résurrection. Le docteur est mort, mais on le voit vivant. Et le spectateur y croit jusqu'au bout. L'idée n'est pas celle de continuer à vivre dans la peau d'un autre, mais, pour la même personne, de vivre une autre dimension, ailleurs.

Deux films qui prennent pour acquis des invraisemblances, sans chercher à les expliquer. C'est le sentiment, l'émotion qui forment la trame du récit. Ces films traduisent l'un sous une forme loufoque, l'autre sous une forme torturée la même angoisse. Le scénariste de « Dans la peau... » disait : « J'écris parce que j'ai des angoisses, parce qu'il y a des choses que je ne comprends pas dans ma vie. En écrivant, j'essaie d'explorer ces questions qui me rongent. » (4) et aussi : « Je pense souvent à l'effet que ça me ferait d'être un autre. Ça m'intrigue vraiment. C'était donc une façon amusante de traiter de mes angoisses. » (5) Alors que le réalisateur de « Sixième sens » dira pour sa part : « Leurs angoisses [des personnages du film] nous sont également familières : la peur de l'abandon, du mensonge, de l'inconnu, de l'au-delà... ». Même angoisse, deux réponses « surnaturelles » différentes.

Dans le premier film, la mort est repoussée au fur et à mesure de la vie. Ce qui permet de rester en deçà de la mort. C'est la recherche d'une immortalité, mais ici-bas. C'est le thème que l'on retrouvait déjà dans le film « Highlander ». Le personnage est immortel, à moins qu'on lui coupe la tête. Mais à chaque fois qu'il tranche la tête d'un autre immortel il absorbe toute sa connaissance. Quand il n'en restera plus qu'un il sera celui qui sait tout, sur terre. Nouvel Adam ! Il n'est rien dit de ceux qui meurent. L'espérance reste cantonnée à cette vie.

Dans le second film, la mort qui met un terme à la vie sur terre ouvre sur une autre dimension, un au-delà. La société postmoderne est friande de cette vision. Elle se trouvait déjà dans « Always », où un pilote de canadair hantait sa fiancée, ne voulant pas la laisser à un autre dont il était l'ange gardien. Elle était présente aussi dans « Ghost » où un mari protège sa femme de son meilleur ami qui l'a assassiné. Là nous sommes dans un « après la mort ». C'est une réflexion dans la droite ligne du livre « La vie après la vie ». À chaque fois il est question de partir, mais de régler ses affaires avant de quitter complètement ce monde. Il y a donc rupture totale avec notre réalité, un solde de tout compte.

Deux réponses différentes. L'une s'en tient à notre monde matériel actuel, et boycotte l'après mort. La partie spirituelle de notre être allant de corps en corps tout simplement. Cette vision laisse de côté le but ultime de la réincarnation qui concerne l'après la mort.

L'autre réponse s'ouvre à un monde inconnu, différent. Mais, à la différence de la doctrine de la résurrection, elle boycotte la réalité présente, en créant une rupture totale entre les deux conditions.

Deux immortalités, l'une matérielle, l'autre spirituelle. Mais les deux font finalement l'impasse sur la mort comme passage. Comme si la seule réponse possible était une sorte de schizophrénie. Mais n'est-ce pas le propre du cinéma où on nous fait prendre des messies pour des lanternes magiques ?

PS : Merci à Jean Domon, de l'association Pro-Fil, de m'avoir aiguillé sur le thème. Vous pouvez consulter le site de l'association à l'adresse suivante : profilfrance.free.fr. Cette association protestante propose une réflexion chrétienne sur les films.


1 Charlie Kaufman, interviewé par Christian Jauberty, dans Première, décembre 99
2 Ce film est inspiré d'une série télévisée des années 70 portant le même nom. Un docteur en parapsychologie y fait parler des objets inanimés (c'est à dire sans âme !). Par ailleurs dans « Dans la peau de... » nous avons affaire à un marionnettiste, c'est-à-dire un homme qui donne vie à des objets inanimés, ses marionnettes.
3 Le nom du docteur ressemble étrangement au mot corbeau en anglais (Crow). Le film « The Crow » relate une histoire parallèle où un jeune homme « revient » à la vie pour venger sa petite amie et lui-même des meurtres sordides dont ils ont été les victimes. Particularité de ce film : l'acteur Brandon Lee, fils du fameux Bruce Lee, est mort au cours du tournage, tué par une balle qui devait être à blanc ! Pourtant dans le film, grâce au montage et à une doublure les spectateurs ne se rendent pas compte de cette mort. Un peu comme dans le « Sixième sens ».
4 Charlie Kaufman, interviewé par Christian Jauberty, dans Première, puis par Patrick Fabre, dans Studio, décembre 99
5 Olivier Bonnard, Le nouveau cinéma, décembre 1999.

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