Suicide : solution ou impasse ?
6. La Bible et le suicide
Type : Dossier
Thème : La mort
Source : Aimer & Servir
Réf./Date source : 128
Publié sur Lueur le
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La Bible fait preuve d'une certaine discrétion en ce qui concerne le suicide. Plusieurs textes de l'Ancien Testament peuvent être cités. D'abord, bien sûr, le Tu ne tueras point (Ex 20.13) dont on peut rappeler qu'il a donné lieu, au travers des siècles, à une application pour le moins conjoncturelle. Gn 9.5 est interprété par la tradition rabbinique par Certainement, votre sang, j'en demanderai compte à votre mort, l'allusion au suicide étant là explicite. On peut également citer Ezechiel 18.4: Toutes les vies m'appartiennent. Toutefois, pas de condamnation directe, le Pentateuque; qui fait un catalogue assez exhaustif des turpitudes auxquelles peut se livrer l'homme et que Dieu condamne, n'en parle pas. Pas plus d'ailleurs que, dans le Nouveau Testament, les listes pauliniennes ou apocalyptiques des pécheurs voués à la perdition éternelle.
Plusieurs suicidés sont cités dans la Bible. On peut passer rapidement sur Abimélec qui demanda à son écuyer de lui donner la mort pour qu'on ne puisse pas dire qu'il avait été tué par une femme. Achitophel se donna la mort après avoir vu qu'Absalon n'avait pas suivi son conseil. Plus connus, les exemples de Samson (Jg 16.30), de Saül (1 Sam 31.4) et bien sûr de Judas (Mt 27.5). L'événement est décrit toujours avec une extrême sobriété, avec concision, comme sans jugement de valeur.
Par ailleurs, ces trois derniers exemples, les mieux documentés, semblent montrer que cette fin est en fait l'aboutissement logique d'une sorte de mécanique infernale, involution dramatique qui, après un point limite de non-retour, devient irréversible. Samson exploite, pour satisfaire ses goûts personnels de puissance et de luxure, la force que Dieu lui a donnée et, après avoir joué plusieurs fois avec le feu, est fait prisonnier dans les bras d'une prostituée. Saül s'enfonce progressivement dans la désobéissance, l'orgueil et la persécution contre David puis finit par consulter la magicienne d'Eyn-Dor (1 Sam 28.8), moment à partir duquel son destin semble scellé. Judas joue un rôle trouble tout au long du ministère de Jésus, mélangeant politique et avantages personnels. Quand, en acceptant le morceau tendu par Jésus, il reconnaît être celui qui le livrera, à ce moment, dit le texte, Satan entra en lui et il se hâta de sortir (Jn 13.27) ajoutant sombrement il faisait nuit (Jn 13.30). C'est cet enchaînement de choix désastreux qui mène au suicide, et qui, d'une certaine manière, est plus grave que le suicide lui-même. Ces suicidés, au moment de leur geste fatal, étaient déjà morts.
Les suicidaires sont peu nombreux. Jérémie (Jr 20.14-19) souhaite n'être jamais né. Elie (1 R 19.4), après le grand combat victorieux du Mont Carmel, dit Eternel, prends mon âme. Il lui fut seulement répondu, réponse d'amour, de compassion et non de jugement : Lève-toi et mange. Et Jonas, vexé de voir qu'il ne tire aucun bénéfice personnel du succès de sa mission, réclame la mort à Dieu (Jon 4.8), lequel, patiemment, lui montre que ce désir de mort n'a pas, comme il le soutenait initialement, une cause « théologique », mais bien égoïste, réaction de vanité blessée !
De ces différents textes, on peut retenir tout à fait clairement que la vie de l'homme ne lui appartient pas, et qu'en ce sens, l'argumentation des pères de l'Eglise est juste. Cependant il semble, sans que cela doive être interprété comme un début d'approbation ou de justification, qu'on puisse percevoir dans le texte biblique une sorte de miséricorde, comme s'il ne voulait pas ajouter à ce « malheur extrême » des paroles de condamnation.
Par ailleurs, le suicide apparaît dans le texte biblique comme la conclusion, l'aboutissement logique d'une démarche de péché et de révolte contre Dieu. Ce qui ne veut pas dire que ceux qui se suicident soient de plus grands pécheurs que les autres ni qu'il puisse exister dans la vie de l'individu un moment où la grâce et le pardon de Dieu ne sont plus efficaces, où il n'y a plus aucun espoir de rachat, de rédemption. Mais dans son essence, le suicide, en tant que processus d'autodestruction et de mort, représente le stéréotype, le modèle même du péché. De fait, ce n'est pas le suicide qui est un péché, mais le péché qui est un suicide.
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