Pourquoi Je Suis Baptiste
6. Ma quatrième raison : Le baptisme, les credos et la Bible
Type : Livre en ligne
Thème : La Foi
Source : FEEBF
Publié sur Lueur le
- Pourquoi Je Suis Baptiste
- Pourquoi Je Suis Baptiste : Introduction
- Ma première raison : L'expérience spirituelle personnelle, base du baptisme
- Ma deuxième raison : L'organisation démocratique de nos Eglises
- Ma troisième raison : Simplicité et spiritualité du culte baptiste
- Ma quatrième raison : Le baptisme, les credos et la Bible
- Conclusion : Baptiste, mais Chrétien avant tout
La religion fait appel à tout l'homme et elle s'exprime par les diverses parties de la nature humaine. Dans toute religion, il existe un élément intellectuel et nous le voyons croître lorsque nous suivons le développement de la religion depuis les origines, au temps des peuples incultes et sauvages jusqu'à l'époque des nations civilisées. Nous ne pouvons nous empêcher de réfléchir au monde qui nous environne et à notre âme au-dedans de nous. Quelles sont les origines de ce monde ? Fut-il créé par une puissance bienfaisante ou par un être malfaisant dans un sage dessein ou dans un accès de folie ? Si un être bon le créa, pourquoi tant de maux et de souffrances pour gâter cette oeuvre ? Comment le péché et la mort vinrent-ils sur cette terre ? Comment pouvons-nous être sauvés du péché et de la condamnation ? Qu'y a-t-il après la mort ? Quel est l'avenir de l'âme, de notre race et de notre monde ?
Autant de questions que la philosophie et la science traitent ; mais ce sont aussi des questions religieuses, et le croyant désire ardemment leur trouver une réponse. Il cherche par tous les moyens à construire un système cohérent, harmonieux et satisfaisant où se complaira son intelligence.
Mais la réponse qui satisfait un homme à une certaine époque de sa vie ne convient plus aux époques suivantes. La croyance doit se développer avec le croyant, elle doit s'adapter à ses nouvelles connaissances. Ceci est vrai et pour l'individu et pour l'humanité. Si un chef africain croit que le monde finit à l'autre versant de la montagne et que son dieu fabrique un nouveau soleil chaque matin, puis l'éteint le soir, ce système de l'univers lui suffit amplement : mais il ne saurait satisfaire un écolier américain des classes élémentaires. Les chrétiens du moyen âge croyaient que notre terre constituait l'Univers, ils pensaient que les étoiles étaient enchâssées dans des globes de cristal qui tournaient autour de la terre. Cette conception scientifique et religieuse de l'univers satisfaisait les hommes de ces siècles ignorants ; mais nous vivons dans un monde beaucoup plus vaste et l'homme qui essayerait de se contenter de cette explication de l'univers commettrait un suicide intellectuel. La conscience morale des siècles passés admettait comme juste et convenable la condamnation des hommes par Dieu à cause du péché d'Adam et la perdition éternelle des païens. Notre jugement moral, affiné et purifié par le travail profond de l'esprit du Christianisme, nous force à répudier ces idées sur les rapports de Dieu avec l'humanité. Préserver cette croissance de la pensée religieuse reste, pour l'individu, et pour l'humanité, un acte de la plus haute importance. Imposer sans variations la pensée religieuse d'un siècle à un autre siècle, la pensée d'une génération aux générations suivantes, porterait un coup fatal à la religion. Ce serait condamner un homme d'âge mûr à ne point rejeter les choses puériles, l'obliger à parler et à penser comme un enfant.
C'est pourtant ce que la religion a fait très souvent. Après que le Christianisme fut devenu la religion officielle de l'empire romain sous le règne de Constantin le Grand, les empereurs se préoccupèrent de préserver l'unité de l'église ; ils veillèrent à ce qu'elle ne soit pas divisée par les luttes doctrinales acharnées. Lorsqu'une question doctrinale troublait l'Eglise, ils convoquaient un grand concile d'évêques et ils faisaient trancher, par un simple vote, les plus graves questions. Le Saint-Esprit était au service de la majorité. Bien plus, ces conciles étaient habilement truqués ; les membres se mouvaient comme des pantins au gré de la main qui tire les ficelles. Comme dans nos congrès politiques modernes, le vote final était trop souvent le résultat de honteux marchés ou d'intimidations. Néanmoins ce résultat, obtenu par de tels moyens, devenait la règle impérative de l'orthodoxie ; le peuple croyait que le Saint-Esprit, qui avait promis de conduire l'Eglise dans toute la vérité, avait inspiré de pareilles décisions. Un concile général ne pouvait errer, et ses décisions s'imposaient à tous les croyants. Le nombre de ces décisions infaillibles augmentait avec les siècles ; chacune d'elles était rivée autour de l'intelligence de l'Eglise comme des cercles de fer autour d'un tonneau. Les cercles sont à leur place autour des barils, mais je ne conseillerais à personne de cercler le corps d'un jeune enfant avec des cerceaux, si justes, beaux et brillants soient-ils au moment de l'opération.
Il est difficile d'exagérer les dommages causés au développement intellectuel, moral et religieux de l'humanité par ce démon de l'autorité momifiée. Par exemple, la doctrine de la transubstantiation, la croyance que le pain et le vin de la Sainte Cène se changent réellement en sang et chair du Christ, est une création de l'ignorance des siècles barbares. Lorsque l'instruction et la science étaient réduites au minimum, lorsque la civilisation de l'antiquité était ensevelie sous la grossière ignorance des tribus teutonnes, lorsque la superstition poussait comme les champignons dans l'obscurité, cet article de foi surgit comme un défi au sens commun et à la raison. Mais l'Eglise catholique romaine l'adopta solennellement et aujourd'hui les savants catholiques américains sont obligés d'y croire, et ils le font. A la suite de quelle gymnastique intellectuelle ? C'est leur secret. Une chose est certaine ; ils ne peuvent accepter ce credo sans mutiler leur intelligence.
Au temps de la Réformation, les églises réformées formulèrent aussi de nombreux credos, souvent par nécessités politiques. Ainsi en 1530, les luthériens en Allemagne couraient grand danger d'être persécutés et supprimés par l'Empereur. A la diète d'Augsbourg, ils rédigèrent une confession, un résumé de leur foi, pour montrer que sur les points essentiels, ils étaient d'accord avec les catholiques et qu'ils n'étaient pas, après tout, aussi mauvais que leurs adversaires le prétendaient. Cette confession d'Augsbourg fut composée par Mélanchton, âme timide et, à ce moment-là, terriblement effrayée ; il garda soigneusement au second plan les plus courageuses affirmations de la Réforme. On peut sympathiser avec l'attitude conciliatrice d'hommes placés dans une si dangereuse situation. Mais cette confession de foi, plus tard, fut adoptée comme un des credos de l'église luthérienne, et doit encore être acceptée et reconnue comme une formule commissoire de la vérité évangélique. Il est très difficile pour ne pas dire impossible de se débarrasser d'un credo, une fois adopté. Nos frères presbytériens furent longtemps étouffés sous l'étroit calvinisme de leur profession de foi de Westminster ; il leur fallut une longue lutte pour en obtenir quelques modifications. Le maître de l'histoire ecclésiastique, Harnack, sachant avec quelle ténacité les credos s'attachent aux églises, exprimait sa profonde admiration, pour la hardiesse des presbytériens américains, lorsqu'ils commencèrent leur campagne de révision.
Mais nous, baptistes, nous ignorons la contrainte de tout credo obligatoire. Nos pasteurs et nos professeurs ne sont pas obligés de déclarer solennellement qu'ils adoptent quelque formulaire désuet pour credo et qu'ils l'enseigneront toujours. Nous possédons quelques sommaires de notre foi, la confession de foi de Philadelphie et celle du New-Hampshire que les églises nouvellement fondées adoptent souvent, mais personne n'est obligé de les employer. Autant que je puisse me le rappeler, je ne les ai lues qu'après plusieurs années de ministère, et j'avoue n'avoir trouvé que peu d'intérêt à cette lecture. Cette liberté à l'égard des credos permet aux baptistes de se développer sans luttes, ni contestations. Nous fûmes de stricts calvinistes comme nos frères presbytériens ; mais insensiblement notre calvinisme rigide évolua sans heurts, ni combats ; car nous n'eûmes pas à remanier notre credo ou à batailler autour d'une formule. Nous nous contentâmes de croître, comme un enfant, devant Dieu et devant les hommes.
Cependant les baptistes ne s'égarèrent pas à la poursuite des fantaisies théologiques. Ils n'avancèrent pas en zigzags, mais progressèrent en ligne droite. Ils avaient assez l'instinct conservateur pour préserver l'équilibre de leur pensée sans se charger du joug d'un credo en guise de balancier.
Les baptistes proclamèrent en tout temps qu'ils regardaient la Bible comme l'unique règle, l'autorité suffisante en matière de foi et de vie chrétienne. Sans doute, il y eut quelques baptistes qui essayèrent d'employer la Bible comme les autres dénominations emploient leurs credos. Ils changèrent la Bible en un gigantesque credo ; leur conduite à défaut de leurs paroles, proclamait : "Il vous faut croire tout ce que nous pensons que la Bible dit ou laisse entendre ". Ils ont essayé de nous imposer leurs petites interprétations du grand Livre comme le credo auquel tout bon baptiste doit s'attacher.
Heureusement la Bible diffère complètement des credos. Un credo offre de la théologie abstraite et définie, la Bible contient l'histoire de la vie religieuse concrète et ardente. Un credo s'adresse à l'intelligence, la Bible fait appel à toutes les facultés de l'âme qu'elle nourrit. Un credo vous dit ce que vous devez croire, la Bible nous conte ce que crurent les prophètes, les apôtres et les saints. Un credo est une philosophie religieuse, la Bible est une histoire religieuse. Un credo nous présente la vérité religieuse telle qu'elle fut formulée par un groupe de savants à un moment donné de l'histoire humaine, la Bible nous présente la vérité comme elle apparut, siècle après siècle, aux générations successives de croyants remplis de l'Esprit de Dieu. La force d'un credo réside dans son uniformité et son étroitesse ; la beauté de la Bible se trouve dans sa riche et merveilleuse variété. Un credo impose une loi et assujettit la pensée ; la Bible insuffle un esprit et éveille la pensée.
N'importe quelle collection de documents historiques provenant directement de la vie humaine serait plus intéressant et utile dans les siècles à venir que le plus beau morceau de littérature abstraite écrit par un homme ou par un groupe de savants. Les traités les plus remarquables des siècles passés vieillissent avec une rapidité déconcertante ; la nature humaine avec son amour et ses haines, ses craintes et ses espérances, ses péchés et ses passions, est toujours la même ; ce qui était vrai des contemporains de Ramsès II, vivant à l'ombre de leurs pyramides, est encore vrai des contemporains de Roosevelt, besognant à l'ombre des gratte-ciel. C'est pourquoi les credos ne sont que de froids cadavres, des curiosités pour archéologues ; mais la Bible est un être vivant qui donne la vie. Et quelle vie dans cette Bible ! Une nation unique, étonnamment douée, nourrissant une haute idée de Dieu et une foi ardente en ce Dieu, conserve les écrits et les discours de ses penseurs les plus hardis, de ses prophètes et de ses militants, de ses poètes et de ses historiens religieux, et le souffle divin vibre et palpite dans toute la collection. Puis vint le plus grand des hommes, le Fils de Dieu, le Roi de l'humanité, et sa vie et sa pensée nous sont conservées dans des livres simples et naïfs ; la puissante impulsion qu'il donne aux âmes se montre dans une série de lettres et de traités qui, ajoutés à la vieille Bible juive, forment la nouvelle Bible des peuples chrétiens.
Ces livres sont le dépôt de la forme la plus pure et la plus fraîche du Christianisme. C'est le ruisseau de la montagne avant que dans la plaine il ne devienne boueux par l'apport des eaux étrangères. Le Nouveau Testament est la conscience au centre de l'Eglise, toujours l'avertissant et la rappelant dans le droit chemin à l'heure des coupables égarements. Il nous appelle encore aujourd'hui à nous élever au-dessus du Christianisme traditionnel jusqu'à la religion du Christ. Dans le Nouveau Testament se trouve pour l'Eglise la force d'une perpétuelle réformation et d'un éternel rajeunissement. Les baptistes, en s'attachant au Nouveau Testament, ont attelé leur char à une étoile, il leur faudra continuer de progresser entraînés par leur idéal.
Les baptistes ne sont pas enchaînés par une confession de foi ; mais ils ont pris la Bible pour unique autorité ; voilà me semble-t-il, le fait le plus important et la plus grande pensée. La portée de ce principe ne nous est pas encore complètement apparue. Nous avons paralysé la Bible en la transformant en un code ou en une collection de textes pour étayer nos systèmes. Nous avons refusé de la prendre dans son sens clair et simple, de l'introduire dans le vaste cours de l'histoire. Nous avons mené grand bruit autour de vétilles et nous avons négligé les choses importantes. Nous avons tout réduit à la même échelle, comme si Esther valait Esaïe, comme si l'Ancien Testament valait le Nouveau et comme si Jude égalait Notre Seigneur Jésus-Christ. Mais je suis convaincu que le voile de Moïse sera encore une fois ôté de la Bible et sa pleine lumière baignera notre monde.
C'est ici la dernière raison que je donnerai de mon baptisme. Les baptistes n'ont pas enchaîné l'intelligence par l'adoption d'une confession de foi ; ils s'efforcent d'apprendre les leçons de la Bible et de laisser diriger leur vie par ses enseignements. Je découvre ici l'accord harmonieux entre les deux grands principes de la liberté et de l'autorité, entre l'initiative de l'individu et l'autorité de l'église, entre la fidélité au passé et l'obéissance aux exigences de l'avenir. Je ne veux point dire que les baptistes n'aient failli dans l'application de ces principes ; ils ont péché et se sont égarés plus d'une fois, mais le principe est bon et possède une salutaire vertu directrice.
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