Pourquoi Je Suis Baptiste
4. Ma deuxième raison : L'organisation démocratique de nos Eglises
Type : Livre en ligne
Thème : La Foi
Source : FEEBF
Publié sur Lueur le
- Pourquoi Je Suis Baptiste
- Pourquoi Je Suis Baptiste : Introduction
- Ma première raison : L'expérience spirituelle personnelle, base du baptisme
- Ma deuxième raison : L'organisation démocratique de nos Eglises
- Ma troisième raison : Simplicité et spiritualité du culte baptiste
- Ma quatrième raison : Le baptisme, les credos et la Bible
- Conclusion : Baptiste, mais Chrétien avant tout
Dans le précédent chapitre, j'ai établi l'importance, et la valeur à mes yeux, de l'insistance des baptistes, dans toute leur vie religieuse, sur la nécessité de l'expérience personnelle de Dieu, plaçant ainsi l'âme en face du Seigneur pour travailler à son salut personnel. Comme Moïse, Elie, Jean-Baptiste rencontrèrent Dieu, seuls parmi les solitudes rocheuses du désert, ainsi nous voulons que chaque homme se retire dans la solitude intérieure de son âme, où nul être humain ne peut le suivre, pour écouter la voix douce et subtile de l'Eternel et pour arranger son passé et son avenir avec le Père de son esprit.
Mais la religion n'est pas simplement individuelle. Rien dans la vie humaine n'est purement individuel ; nous sommes des êtres sociaux, les éléments de notre vie n'atteignent leur complet développement que par des échanges sociaux et la coopération. Un homme qui travaille seul est un pauvre et insuffisant producteur ; par la division du travail et la coopération le taux de production de chacun est multiplié. Un autodidacte a un grand désavantage mis en parallèle avec l'étudiant qui partage les enseignements de plusieurs professeurs avec de nombreux condisciples, source pour lui de perpétuelle émulation. Nos plaisirs, nos affections, nos aspirations morales, n'atteignent toute leur ampleur, leur plus haut degré de puissance que si nous les partageons avec des amis. Un homme isolé est, jusqu'à un certain point, paralysé, impuissant.
Il est clair que la religion demande aussi une expression sociale ; et elle n'atteint sa pleine force et sa richesse que lorsqu'elle est partagée avec d'autres. N'est-ce point ce que nous découvrons chaque jour ? Il y a une grande douceur dans la prière privée ; mais de quel frémissement nos coeurs palpitent lorsque nous joignons nos voix à un hymne jailli de l'âme et que nous nous laissons bercer par la puissante vague d'émotion qui passe sur toute une assemblée en prières. La majorité des croyants ne prirent la grande décision religieuse que sous l'influence d'une émotion sociale. La plupart des chrétiens verraient la flamme des aspirations religieuses et des complètes consécrations trembloter, vaciller et baisser de plus en plus au cours des années, si elle ne se ranimait au contact des expériences et de l'énergie spirituelle de leurs compagnons. Lorsque Jésus déclare que là où deux ou trois sont assemblées en son nom, il est au milieu d'eux, il exprime cette profonde vérité que la conscience de la présence divine n'est complète que dans la société chrétienne. Cette société peut très bien n'être qu'un tout petit groupe ; mais il faut au moins un autre coeur en communion avec le nôtre pour que nous nous sentions pleinement dans la communion du Christ.
L'existence de l'église chrétienne trouve sa justification dans ce fait fondamental de la nature humaine. L'Eglise n'est pas elle-même un but, elle est plutôt un moyen pour atteindre le but : créer et exciter la vie religieuse chez l'individu, édifier le royaume de Dieu dans l'humanité.
Les chrétiens se livrèrent à d'interminables controverses sur l'organisation de l'Eglise. L'Eglise catholique romaine maintient qu'il n'y a pas de véritable église hors du gouvernement des évêques et du pape de Rome. Le pape Boniface VIII, en 1302, affirmait solennellement : «La seule et unique église du Christ a un corps et un chef : le Christ et le vicaire du Christ, Pierre et les successeurs de Pierre. Plus encore, nous déclarons, affirmons et prononçons qu'il est indispensable au salut de tout être humain d'être soumis au Pontife romain». Le pape Pie IX, en 1854, revint sur la même pensée et déclara : «C'est une règle de foi que, hors l'église apostolique romaine, point de salut». L'Eglise épiscopale, attachée à la doctrine de la succession apostolique, soutient que l'autorité des pasteurs provient de leur consécration par les évêques, successeurs des épiscopes de l'église primitive ; et, bien que les pasteurs baptistes ou presbytériens puissent être de braves gens, bénis de Dieu dans leur travail pour le salut des âmes, ils ne sont pourtant pas de vrais pasteurs de l'église chrétienne. Ainsi de ces deux églises, l'une fait dépendre le salut, et l'autre l'autorité pastorale, de l'adhésion à la véritable organisation ecclésiastique. Il y a aussi, je le sais, des églises baptistes qui sont prêtes à affirmer que seule l'église baptiste est la véritable Eglise.
A mon avis, le point essentiel n'est pas qu'une organisation ecclésiastique soit très ancienne, ou qu'elle puisse se flatter de sa succession historique, sans discontinuité, depuis les temps apostoliques, mais qu'elle incarne l'esprit chrétien dans ses méthodes et son organisation, et qu'elle offre à ses membres par sa constitution même, les plus nombreuses occasions de vivre d'une vie chrétienne. La question fondamentale n'est même pas si un certain genre d'église est biblique ; mais s'il est chrétien. La Bible nous aide simplement à voir s'il est chrétien.
Je pense que notre église baptiste, malgré ses multiples imperfections et bien qu'elle crie et grince en fonctionnant, comme toute organisation humaine, est bâtie selon de nobles lignes, chrétiennes et pour cela elle m'est très chère.
1) Elle s'efforce de créer une organisation de gens réellement chrétiens. Elle n'admet comme membres que ceux qui demandent en connaissance de cause leur admission et qui peuvent affirmer qu'ils ont trouvé le Christ, qu'ils l'aiment et qu'ils veulent le suivre. Elle examine avec soin leurs déclarations pour leur éviter de se leurrer eux-mêmes, et elle ne vote leur acceptation que si elle est assurée qu'ils ont vraiment commencé à vivre d'une vie spirituelle consciente. Elle élimine de son sein ceux qui manifestement ne vivent pas d'une vie chrétienne. Elle peut se tromper maintes fois, soit en recevant trop rapidement, soit en excluant trop lentement ; mais au moins elle s'efforce de préserver la pureté et l'homogénéité de sa constitution. Les églises peu-vent devenir si mondaines qu'il soit impossible de tracer la ligne de démarcation entre elles et le monde ; néanmoins le principe demeure et offre toujours une possibilité de réforme. Par contre la constitution des autres églises les pousse dans un sens opposé. Les pasteurs de ces églises peuvent individuellement s'efforcer de créer une véritable communauté chrétienne ; mais leurs églises neutralisent leurs efforts en admettant dans le sein de la congrégation, par le baptême des enfants, la grande multitude.
2) Nos églises sont des démocraties chrétiennes. Le peuple y est souverain. Tout pouvoir détenu par les pasteurs, les diacres, les conseillers, leur est conféré par l'église. Ce système laisse une large place à ceux qui reçurent de Dieu les dons de conducteurs ; mais en même temps les maintient au service du peuple en les rendant responsables de leurs actes devant l'Eglise. L'esprit démocratique de l'église baptiste est quelque chose dont nous pouvons être fiers. Un des plus nobles éléments de la vie de nos ancêtres était le gouvernement de la cité par le peuple assemblé dans les municipes. Ce fut le germe de toutes les libertés populaires. Une assemblée d'église baptiste est la reproduction de ces assemblées populaires. Notre système est bien plus démocratique que le gouvernement par délégation des presbytériens ; il correspond plus fidèlement au christianisme primitif. Plus nous remontons vers le christianisme primitif, vers les temps apostoliques, plus complète est la démocratie que nous rencontrons. L'église catholique est un bienveillant despotisme ; tout y procède du pape. Ce type d'organisation ecclésiastique naquit sous le despotisme de la Rome impériale et il a perpétué les idées politiques et les moeurs de cette époque. Le gouvernement épiscopal a lui aussi de grandes affinités avec la monarchie. Jacques 1er disait : «Point d'évêque, point de roi ». II voyait dans les évêques les meilleurs soutiens de la monarchie contre la démocratie puritaine. Notre gouvernement américain fait remonter ses origines au grand mouvement populaire, à la grande vague démocratique qui balaya l'Angleterre ; il a incarné et perpétué les idées démocratiques de la révolution puritaine. Je suis fier de penser que notre vie ecclésiastique est en harmonie avec ce grand idéal du gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, que l'humanité lentement et péniblement s'efforce de réaliser.
3) Nos églises baptistes ne reconnaissent nulle classe ecclésiastique. Nos pasteurs ne diffèrent point des laïques. D'après l'église catholique et la haute église anglicane, un prêtre reçoit par l'ordination un caractère indélébile, qui lui permet d'accomplir des choses que les simples mortels ne peuvent faire. Nous n'entretenons point semblable opinion de nos pasteurs et j'en loue Dieu. Les ruines que ce pseudo-pouvoir des prêtres sema par le monde sont innombrables dans l'histoire de l'Eglise. La prêtrise est un héritage du paganisme. Elle n'est nécessaire que là où l'on doit offrir et administrer des sacrements magiques. Jésus n'était point prêtre, ni ne fut créateur de prêtres. Les autres églises ne tracent qu'une vague démarcation entre l'Eglise et le monde ; mais elles marquent fortement la séparation entre le ministre et le laïque. Nous faisons tout le contraire ; nous traçons une séparation bien marquée entre l'Eglise et le monde, mais nous nous contentons d'une vague démarcation entre le pasteur et le laïque. Lequel est le plus chrétien ?
4) Nous n'avons pas de hiérarchie dans notre corps pastoral. Point de curé au-dessus du vicaire, point d'évêque au-dessus du curé, point d'archevêque au-dessus de l'évêque, point de pape au-dessus de tous. Jésus nous a commandé de n'appeler aucun homme, père ou maître ; mais de nous considérer tous comme frères, la seule grandeur reconnue devant être la prééminence dans le service (Matt. 23:1-12). Cet ordre du Maître résout pour moi la question de la hiérarchie. Quelques croyants possèdent plus de dons naturels que certains autres chrétiens ; cette inégalité doit être franchement reconnue. Quelques-uns montrent une grande sainteté, une science spirituelle très profonde, à eux reviennent en conséquence les honneurs et la direction. Mais la fraternité doit régner entre pasteurs.
5) Nos églises sont autonomes. Chaque église est souveraine chez elle. Une des causes de la mauvaise administration de nos villes, c'est le manque d'autonomie, notre système administratif centraliste et unifié. Chacun sait mieux qu'autrui où le bât blesse ; chaque communauté, règle générale, connaît mieux que quiconque ses propres affaires. L'indépendance de nos églises ne les empêche point de s'unir aux églises soeurs pour une oeuvre de fraternelle coopération, pour constituer des fédérations régionales, nationales, des sociétés de missions ,intérieures et de missions en terre païenne. Cependant je confesse, qu'à mon jugement, nos églises baptistes manquèrent d'ardeur dans cette coopération volontaire ; trop souvent nous laissons chaque église se débrouiller seule du mieux qu'elle peut. A Rochester, par exemple, nous n'avons aucune expression concrète de notre unité organique.
6) Nos églises baptistes refusent toute union avec l'Etat. Elles n'acceptent aucun ordre du gouvernement et elles ne lui demandent aucune faveur, si ce n'est les exemptions d'impôt que la législation américaine accorde aux corporations travaillant pour le bien général et non dans un but mercantile. Les baptistes insistèrent sur le principe de la séparation des églises et de l'Etat, en un temps où cette idée était considérée comme une nouveauté révolutionnaire. Quelques baptistes semblent penser que cette séparation est basée sur l'idée que la vie spirituelle n'a rien de commun avec la vie séculière. Je repousse énergiquement cette idée-là ; je la regarde comme une désastreuse hérésie. Nos aïeux baptistes insistèrent sur cette séparation, parce qu'ils virent le mal accompli par l'ingérence dans la vie religieuse et morale des hommes irréligieux qui n'obéissaient qu'à des motifs politiques ou financiers. La liberté de l'Eglise, c'est la liberté de développer sa vie religieuse et morale, de résoudre ses problèmes administratifs, sans être entravée dans ses décisions par des forces étrangères ou par de mesquines considérations. D'autre part, l'expérience prouve aussi que la vie politique d'une nation est débarrassée d'une cause de troubles et de corruption, lorsque les questions ecclésiastiques ne relèvent plus de la politique. D'autres Eglises se virent imposer la rupture de leurs attaches avec les finances publiques et le pouvoir politique ; les baptistes sur ce point occupent une place plus noble et plus digne, ayant librement refusé de se laisser imposer ce joug et ayant toujours été des pionniers du principe qu'adoptent, les unes après les autres, toutes les nations.
Je place donc la seconde raison de mon choix du baptisme, dans la constitution de nos églises baptistes qui se rapproche le plus du principe chrétien d'organisation ecclésiale, et qui offre à une communauté chrétienne les meilleures chances de développer une vie sociale chrétienne. Nos églises s'efforcent d'organiser des communautés de véritables chrétiens ; elles confient à leurs membres le gouvernement de l'église ; elles forment des démocraties chrétiennes. Elles ne connaissent point de clergé ou de prêtres séparés du reste du peuple ; elles n'ont point de ministère hiérarchisé. Les églises locales combinent l'autonomie et la fraternelle coopération. Par principe, elles sont affranchies de toutes les alliances embarrassantes avec les forces non religieuses.
Je sais bien que les églises baptistes ne vivent pas toutes selon ces magnifiques principes. Les églises comme les individus courent un perpétuel danger de rétrogression. Certaines églises admettent dans leur sein presque tout le monde et excluent rarement un membre ; d'autres églises baptistes abandonnent l'autorité entre les mains d'une petite coterie ; chez elles la démocratie n'est plus qu'un nom. Quelques pasteurs baptistes sont plus cléricaux d'esprit et de tempérament que le pape actuel. Ces anomalies constituent des exceptions. N'est-ce pas un acte admirable pour une nation d'adopter une constitution garantissant la liberté, même si cette nation se laisse ensuite tyranniser par une poignée de despotes et si elle voit son administration et sa justice vendues à l'encan ? N'est-ce pas un acte admirable pour un jeune homme de consacrer sa vie à un service désintéressé, même s'il est souvent détourné de son service par d'égoïstes impulsions toujours renaissantes ? N'est-ce pas une chose admirable pour des Eglises d'incorporer dans leur constitution des principes chrétiens aussi élevés que ceux dont nous nous sommes entretenus, même si, individuellement ou collectivement, elles tombent au-dessous de leur idéal ?
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